Tapetto Traci
Neurula - CD
A Tant Rêver Du Roi 2009

Jazz-rock.
On a lyncher des groupes pour moins que ça. Quand j'entends jazz-rock, j'entends Zappa et Santana. C'est réducteur, je sais mais suffisant pour fuir à grandes enjambées. Jazz-rock, c'est pourtant le terme qui vient tout de suite à l'esprit et à l'écoute de Tapetto Traci. Mais pas de fuite en avant pourtant. Alors on va pas vous parler jazz. Le seul jazz qu'on connaisse ici, c'est une branche très déviante, celui de Flying Luttenbachers, le free bien sévère de 16-17 ou encore Tom Cora avec son Roof. C'est pas gagné. Le jazz de Tapetto Traci est beaucoup plus guilleret, plus coulant, donne envie de taper du pied plutôt que se fracasser la tête sur les rafales d'un Weasel Walter. Certains airs feraient même penser à ces bons vieux tchèques ruraux de UZ Jsme Doma. Non, c'est vraiment pas gagné. Alors on va se laisser bercer. Ce qui les sauve à mes oreilles incultes, c'est l'angle rock par lequel ils défient ce jazz. Ya pas de solo, pas de frime. Pas besoin d'être un spécialiste des grandes écoles de Musique pour être pris par Tapetto Traci.
Et pas besoin d'aimer le jazz-rock parce qu'en fait, cette musique n'en est pas du tout.
Tout juste concède-t-on la coloration jazzy. C'est avant tout une histoire de vie, de trépidation, d'envolées sans qu'ils nous perdent en route, de rythmes limpides et de swing, d'insouciance et d'entrain communicatif. Il y a bien ce saxophone (tenor et alto, je vous précise ça comme si je m'y connaissais mais à aucun moment je les distingue) qui renvoie inlassablement au jazz, surtout qu'on lui souffle rarement dans les bronches, à la manière sauvage d'un Zu. C'est un sax enjôleur et entraîneur, séducteur et alerte. Outre la section rythmique qui flingue, la guitare n'en fait jamais trop non plus, sonorités claires et jeu éclairé. Tout est en osmose, les quatre Trapetto Traci vont dans le même sens, celui d'une musique où le plaisir est évident et contagieux.
Au final, on se retrouve avec une musique plus rock que jazz, un truc hybride et sans frontière, se rapprochant des groupes de Steve Sostak, tour à tour chanteur-saxophoniste de Sweep The Leg Johnny, Check Engine et ZZZZ mais sans le chant, excepté des cris lointains et discrets sur La Danse de l'atome ou Magbarat Alzoar. Un titre qui sonne comme un sortilège lancé à la face des virtuoses gonflants mais c'est avant tout un quart d'heure où le groupe nous fait la totale entre ambiances chatoyantes et inquiétantes, entre montées saccadées et calme olympien. Un morceau plus sombre que la moyenne, le préféré des six que compte ce troisième album, à égalité avec le dernier, Modus Operandi, plus déjanté, un quart d'heure également, entrecoupé de plusieurs minutes de blanc et d'un dernier passage qui ressemble fort à un morceau caché. Le Tapetto se bonifie sur la longueur.
Une nouvelle sortie personnelle du label A Tant Rêver du Roi pour un autre groupe de Pau qui, comme leurs collègues de Kourgane, joue sa partition sans se soucier des plates-bandes du voisin.

SKX (01/12/2009)