Gerda
III - LP+CD
Wallace/Shove/Bloody Sound Fucktory/The Fucking Clinica 2009

En bloc dans la tronche. Voilà ce que nous propose les italiens de Gerda et leur troisième album. Fidèles à eux-mêmes. Une convulsion frénétique s'étalant comme un gros glaviot sur le visage d'un honnête homme ayant de la moralité et de la religion. Trente minutes de pure passion et de révolte primaire. Avec un doigt de cauchemar. Le genre de truc où tu fais gaffes avant d'y poser le premier pied. Et certains n'y arrivent pas. La voix jugée trop hardcore. On ne peut nier que le ciment de leur musique est une bonne couche de hardcore. Et cette voix étouffante y puise sa rage, une douce mélopée virile que l'on peut trouver trop monolithique, qu'elle ait un grain saturé ou non, en mode parlé ou pas, le mal est fait. Mais je n'imagine pas une autre façon de hurler sur cette musique qui a l'intensité chevillée au corps. Ce cri est parfait. Il faut franchir le cap.
Car Gerda est bien plus qu'un simple groupe de hardcore. Je ne peux m'empêcher de penser à Dazzling Killmen. Un Dazzling qui aurait croisé sur sa route un Flying Luttenbachers. Imaginez la gueule de l'accident. Désormais il a un nom, Gerda. Un hardcore pas catholique du tout. Qui aligne cinq morceaux en une grosse demi-heure. Fait durer la torture au-delà des onze minutes. Limite expérimentale avec cette basse sonnant parfois comme une percussion ou ces bruits souterrains en provenance de la salle des machines. Ces guitares ponceuses ou siffleuses loin, très loin des riffs conventionnels. Les structures rouleau-compresseur laminant toute idée de hardcore bas du front. C'est viscéralement noise, d'une noirceur implacable. Gerda a poussé l'attitude extrême encore un peu plus loin. Excepté sur le deuxième titre (les morceaux n'ont pas de nom) qui apparaît presque mélodique sur ces trois minutes uppercut, tout le reste est une boule de nerf qui vous met une pression intenable sur des chevauchées longues durées. Il faut attendre la quatrième plage et ces onze minutes d'abandon pour entrevoir un souffle, le rythme ralentir. Et encore, quand Gerda n'est pas que cri et tourmente, l'ambiance reste bien poisseuse et malsaine, avec une pointe de lyrisme. Tous ces groupes de post-machin chose, avec leurs bouts de synthés et leurs arpèges désuets qui sont censés vous faire entrevoir la souffrance du monde, devraient en prendre de la graine. Car finalement, si le meilleur héritage de Neurosis ne se trouvait pas là, entre les mains d'un Gerda ? Un groupe qui a compris que pour ce faire entendre, il ne fallait pas suivre mais être contre. Sucer la substantifique moelle de ces aînés et puis couper les ponts, donner dans la démesure ou le délire, se mettre les tripes à l'air et le cœur à nu, quelque soit la manière et qu'importe la technique, que ce soit avec tact ou en cognant dur. Mais ne pas faire semblant. Et Gerda n'a jamais fait semblant. Magistral album, encore une fois.

SKX (27/10/2009)