Morkobot
Morkobot

Supernatural Cat 2005

Mostro
- CD
Supernatural Cat 2006
Morto
- CD
Supernatural Cat 2008

Ça tombe bien que Morkobot sorte un nouveau disque car les chroniques de leurs deux précédents albums étaient sur le feu. En plus, et je le découvre à l'instant, Morto clôt une trilogie entamée en 2005. La vie est belle, reprenons tout depuis le bédut. Morkobot est un trio instrumental italien composé de deux basses et une batterie, se surnomme Lin, Lan et Len et comme aucun n'est tombé à l'eau, ça nous donne un premier chapitre se nommant comme le nom du groupe. Une saga qui tourne autour d'un délire d'une planète lointaine qui a envoyé ces trois messagers pour des expérimentations soniques que les humains appellent musique (on en fume de la bonne de l'autre coté des Alpes). Une approche second degré tranchant avec la rigueur et la rugosité de la musique. On ne peut pas parler non plus d'expérimentations soniques (ça sera pour plus tard). Pour l'instant, nos trois petits hommes verts prennent leur marque sur la Terre et l'approche est encore timide. Leurs cousins se nomment Noxagt, Sabot ou Zu mais ils sont arrivés depuis bien plus longtemps pour qu'on les mette sur un même pied d'estale. Ils ont beau possédé le bon gros son de basses à défriser un mouton, des relents de prog-rock et des pédales wah-wah sont trop présents pour les accueillir à bras ouverts. Morkobot tente de nous secouer sur des rythmes plus groove (Morkobot faces the 7th mirror), de se camoufler derrière de nombreuses fausses pistes rythmiques, de semer le trouble en jouant plus sur les ambiances sidérales (à défaut d'être sidérantes) que les joutes rythmiques à tout va, mais on sent bien qu'ils en gardent sous la soucoupe volante. On frôle même parfois le trou noir comme sur les sept minutes de A nightwalk on no ground et le long, très long (15 minutes !) Modulock. Un premier volet qui n'a rien d'extra-terrestre.

C'est en fait avec le deuxième chapitre, Mostro, que le monde de Morkobot s'est infiltré par ici. Et c'est tout simplement le meilleur. Morkobot a les pieds bien sur terre et la tête dans les amplis. Le groupe se lâche, la balance rythme/expérimentation trouve son équilibre et ça défouraille sévère. Les titres semblent venir de la même planète que Magma (Tobokrom, Zorgongollac, Kakaiplus, etc…) mais tout ce qui pouvait avoir de traces seventies prog-rock mes couilles y est resté. Le terrien peut serrer les fesses car Morkobot montre son vrai visage d'envahisseur et ses trois messagers n'ont pas l'intention de faire des prisonniers. C'est pesant, inquiétant, âpre, du noise-rock granuleux qui n'a cesse de chercher de nouvelles voies dans la galaxie d'un petit monde musical trop souvent sclérosé. Dommage que cette deuxième soucoupe soit ternie par un dernier titre qui n'en finit pas. Un pêché d'orgueil qui frôle les vingt-quatre minutes (Poldon). Seul le début fait illusion et fait corps avec le reste des cinq titres précédents avant de partir sur des expérimentations soniques se mordant la queue et celle-ci n'est pas une comète.
(Si vous croisez la version vinyle, n'hésitez pas une seconde : superbe objet sérigraphié en format 10'' avec spirale et nombreuses illustrations).

Si la simple évocation de Morto me donne envie de saucisses, savoir que c'est aussi le concept d'un seul et long morceau me rétrécit le sphincter. Pour être exact, un morceau découpé en trois parties de onze, dix et dix-huit minutes pour un death concept et une vague histoire de renaissance, j'avoue ne pas avoir tout saisi et je m'en tape pas mal. Mes vieux réflexes punks ne me poussent pas à la réjouissance et les albums conceptuels sont de sombres images du passé qu'il n'est pas bon de déterrer. Mais dans la bouche de Morkobot qui se déclare venir d'une autre planète, ce genre de concept ne peut que être foireux. Death to death concept ! Il ne faut pas s'arrêter au découpage de cet album et y voir une multitude de titres enchaînés les uns aux autres. Le trio réussit à maintenir pression et cohésion. On retrouve toujours la même gamme de sonorités. Abrupt, machinerie rugueuse, proche parfois d'un chaos industriel avec ses no man's land inquiétants, la technicité d'un groupe instrumental prenant de moins en moins de place par rapport à la mise en place d'ambiances intimidantes, même dans ces moments les plus coulant. C'est par une approche similaire que le Guapo de 2001, celui du fantastique album Great sage, equal of heaven (pas le funeste grand guignol qu'ils nous servent désormais) nous avait scotché. Morto est une masse sombre et écrasante, meurtrie par des paysages sonores accidentés, à grands coups de basses dans la gueule, dont les cordes sont aussi bien frappées que triturées dans tous les sens avec une belle galerie de pédales d'effets. Et comme il est dit que Morkobot ne sait pas finir ses albums, c'est avec huit minutes de trop qu'ils nous achèvent, huit minutes d'un bruit inutile. Mais cela ne saurait masquer la bravoure précédente, essuyer la sueur sur le front d'une trilogie qui termine bien mieux qu'elle n'avait débuté.

SKX (10/11/2008)