Jack'o'nuts

Formé en 1989 à Athènes (la ville de REM), Jack'o'nuts (ou Jack-o-nuts ou Jackonuts, au choix peanuts) est un quatour qui a laissé dans son sillage une poignée de 45 tours, des morceaux sur des compilations et deux albums sur lesquels on s'attardera surtout. Car si vous avez l'occasion de découvrir ce groupe par le biais de ces petits formats (toutes mes condoléances pour les trouver quand même), nul doute que vous passerez votre chemin.

Pour le premier 45, c'est Bob Mould (Hüsker Dü, Sugar) qui s'en charge sur son label Singles Only Label en 1989. Un truc bizarre à propos des lèvres de Tracy Chapman, ça sent le mauvais goût. Mais comme faut se lever tôt pour piger les paroles, on se contentera de la musique qui ne révèle pas non plus un bon goût exacerbé. Et c'est pour ça qu'on les aime. Face B, Super sugar high (enregistré en 91 alors que la face A date de 1989, c'est qu'ils prennent leur temps !) ne raconte surement pas les bienfaits du sucre et encore moins l'histoire de cette poudre blanche qui vous fait décoller très haut. Leurs débuts n'ont rien de fracassant mais à la lumière de leurs singles suivants, ce premier jet se révèle le format court le plus intéréssant. Un rock'n'roll crade et légèrement noisy qui a le mérite de poser les fondations.

En 1992, deux autres morceaux sur Revelation (mais enregistré en septembre 90), emballés dans une pochette super cheap et donc de la même époque que Tracy Chapman. Si on peut résumer brièvement la musique de Jack'o'nuts à du Birthay Party et Scratch Acid avec un David Yow en jupon, ces essais de jeunesse sont encore loin du compte. Un brouillon, sans le son, juste un peu de nervosité et un brouet de virtuosité. Sur les trois autres singles, idem. Pourtant sorti après l'excellent premier CDEP, Jack'o'nuts semblait envisager ces formats courts comme des cours de récré, des expériences sonores et l'occasion de reprendre des groupes loin de leur univers sonore : Gary Numan (pioneer de l'electropop et roi du synthé) et son My Shadow in Vain (sur La Horne). Algebra Suicide (True romance at the world's fair) sur Pissland. Bauhaus (Antonin Artaud) sur la face B de Raw candle vote (un morceau de On You).
Jack'o'nuts a également sorti trois morceaux anecdotiques (dont Feelin' Freddy qu'on retrouvera dans une bien meilleure version sur On You) sur une compilation dédiée à des groupes de Athens, Fuel, seven bands from Athens, GA.

C'est donc en 1992 que le groupe va surtout faire parler de lui avec son premier CD autotitré. C'est Steve Albini (surnommé The meat master dans les crédits de la pochette) qui donne le relief necéssaire à la musique de Jack'o'nuts. Seulemet cinq morceaux pour 22 minutes d'un rock prennant enfin son envol. L'enregistrement ne sonne pourtant pas comme du Albini classique. Le son n'a rien d'assommant et d'étourdissant. Mais l'écriture de ces cinq titres est tout simplement bluffant. En fait, avec le recul des ans, ce disque me fait penser à du Come en version plus musclée et moins mélancolique. Mais dans ces tirades de guitares, ces digressions mélodiques, le groupe de Thalia Zedek et Chris Brokaw navigue dans des eaux proches et troubles. Cinq morceaux inséparables au papier mais mention spéciale pour le rudement nommé Head full of shit et ces six minutes qui partent comme une ballade nocturne avant que les choses ne s'emballent peu à peu, que la tension se construise de façon savante et nous laisse sur le carreau.

Mais c'est avec leur unique album On you en 1994 que Jack'o'nuts atteint le firmament des groupes noise-rock incontournables. Albini enregistre la face 1 (et la batterie sonne comme du Albini…). Dave Barbe (basiste de Sugar) la face 2 pour une Jac-Bar-Bini production ! Mais le disque ne souffre d'aucune schizophrénie. C'est du noise-rock des plus abouti et maitrisé, de la famille des Jesus Lizard avec une solide section rythmique, un guitariste Brooks Carter des plus doués et inventifs et une Laura Carter réputée et redoutée pour ses prestations scéniques. On le croit aisément à l'entendre rugir, mugir, hululler, hurler et parfois, murmurer, chanter, réellement, et vraiment bien. Laura Carter, ex-Bar-bq-killers et amie de Thalia Zedek (l'ex Live Skull et Come dont Arthur Johnson fut d'abord le batteur de Bar-bq-killers avant de devenir celui de Come) qui cassera sa pipe 8 ans plus tard, en décembre 2002. Le genre de femme énervée, intense et contre le politiquement correct (I hate the halo of P.C., clone recycling, vegetarian, feminist, animal and humanity lover sur Hook qu'elle dédicace à tous les bullshit artists everywhere). La musique lui renvoie sa rage, semble l'amadouer avant de repartir dans de nouveaux soubresaults, erratiques, limpides. Huit morceaux seulement mais tous tranchants et lumineux.

Le groupe se sépare en 1995, ne donnant aucunes nouvelles notables de ses membres. Mais on ne leur en voudra pas tant ces deux disques laissés en héritage suffisent.

SKX (07/08/06)

Discographie ::

Tracy Chapman's Lips 7''
Singles Only Label 1991



Weird Bath/J.E.C.K. 7"
Reservation 1992



s/t CDEP
Radial/Matador 1992




La Horne 7''
Figurehead 1993



Raw Candle Vote 7''
Radial/Matador 1993



Pissland 7''
Mind Of A Child 1994



On You - LP
Radial 1994




Fuel, seven bands from Athens, GA - CD
Self-Rising 1991