Blunderbuss

Il est de l'histoire de certains groupes et de leur importance à vos yeux qui
n'ont rien à voir avec la grande Histoire du Rock'n'Roll. Des groupes largement
inconnus mais qui ont pour vous un intérêt tout personnel car correspondant à
une époque bien marquante de votre vie, des groupes que vous chérissez comme si ils s'étaient crées juste pour vous et dont il ne faudrait qu'un pas (franchit
sans hésitation lors de discussions tardives) pour que vous les déclamiez comme
le plus grand groupe de tous les temps !!

Blunderbuss a tout de ce groupe mythique ! Au départ, quelques titres enregistrés sur une K7 compilation au son bien pourri par un parisien très avisé (remember Hyacinth zine !) sur laquelle on retrouvait également des morceaux de groupes obscurs comme Don Caballero, Drive Like Jehu, Pitchblende, Slug, j'en passe et des meilleurs et même un morceau de The Ex avec Tom Cora ! Ze cassette, usées et archi usées qui est désormais reléguée au fond d'un vieux carton humide alors qu'elle devrait être encadrée au dessus de mon lit!
On était en 1992. Période faste. Et si la plupart de ces groupes ont largement débordé la confidentialité d'un format K7 pourrie, Blunderbuss s'est perdue dans la fourmilière rock, noyé sous la masse.

Pourtant, leurs 2 premiers 45 tours sont parmi les bouts de vinyls les plus hallucinants qu'il m'ait été donné d'écouter ! Le premier, sorti début 1992 sur le label Peas Kör, comprend trois titres. Derrière cette vilaine pochette labyrinthique se cache une explosion de bruit et de sentiment à fleur de peau. Bed rider et Glace glare, deux furies noise-rock qui pourraient figurer haut la main sur n'importe quel album de Unsane, le sens de la mélodie écorchée en plus. Sur la face B, Lowlands, longue pièce poignante, un peu comme si Unsane s'était mis à faire du Slint ! Vous rajoutez par là-dessus un enregistrement réalisé avec trois francs six sous, un son où le mot noise prend tout son sens, loin des productions d'Albini déjà en vogue à l'époque, où tous les potars sont dans le rouge, chaque instrument cherchant désespérément la porte de sortie et vous avez là un objet unique. Amateur dans le sens noble du terme, juvénile et sans concession. Un vrai morceau de bravoure.

Quelques mois plus tard sort le deuxième 45. Quatre titres dans la lignée. Une production un rien plus fignolée mais toujours aussi jouissive. Ben Matthews gueule comme il est pas permis. Il en faut un grain pour chanter comme il fait. Push, Surrounded, Line Drive To The Forehead, Flatfoot. Direct, puissant, des mélodies à tomber, ça vous explose le corps de l'intérieur. Quatre brûlots qui n'en finissent pas d'incendier mes neurones.

L'année suivante, c'est sur le gros label indé américain Homestead que sort leur 3ème single Road to arizona. Autre structure pour une autre échelle. Blunderbuss grandit. Si les compostions sont toujours aussi splendides, le changement vient du traitement sonore. Le son n'écorne plus son boeuf. Solide et plein mais moins furieusement noise. Et surtout, le chanteur, sous peine de devenir aphone pour le restant de sa vie, a décidé de calmer le jeu et déclame sa rage sous un mode plus humain.

Deux très bons morceaux mais annonciateurs d'un virage que vient confirmer leur 1er et unique album Conspiracy. Il aura fallu attendre deux ans. 2 longues années d'attente fébrile ! A l'arrivée, faut bien avouer que la déception pointait son vilain nez crochu. Ou est-ce avec le recul que je pense ça ?! Les compositions sont bonnes mais pas aussi percutantes. Le son est puissant, dans la suite logique de Road to arizona, ce qui signifie aussi plus dans la norme. En fait, on rêvait tous d'un album dans la lignée des deux premiers 45 mais c'était sans tenir compte de
l'évolution normale du groupe qui ne pouvait tenir indéfiniment cette ligne de
conduite suicidaire. Conspiracy est un bon album d'indie rock musclé et dissonant mais décevant par rapport à l'urgence et la folie de leurs débuts.

C'est pourquoi ces 45 sont d'autant plus mythiques car uniques dans leur genre.
12 années plus tard, ils n'ont pas pris une ride. L'effet est toujours le même.
A l'aise dans mon classement des 10 meilleurs singles de tous les temps ! Ça
vous fait une belle jambe certes mais faut bien faire son vieux con de temps en
temps et ça me rappelle tellement plein de trucs. Je crois bien que je vais aller dépoussiérer ce fameux carton.


SKX (08/11/2004)

PS : à qui ça sert de faire des rubriques nécrologiques si les groupes se mettent à ressusciter ??!! 2006, Blunderbuss reprend du service. La chronique est par ....

Discographie ::

1st 7''
Peas Kör (1992)



2nd 7"
Pop Bus records 1992



Road To Arizona 7"
Homestead records 1993



Conspiracy CD
Homestead 1995