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Joeyfat
The House Of The Fat – LP
The Unwilling Astronaut – LP
Wrong Speed records 2025
Ceci ressemble à une nouveauté mais c’est une réédition.
Mais ce sera une nouveauté pour une grande majorité. Joeyfat,
ce joyau anglais méconnu pour pas dire inconnu. Alors que ça
fait plus de trente ans qu’il brille. Wrong Speed records voue un
culte à ce groupe. Et il n’est pas le seul. Il a fallu une
demi-seconde d’hésitation pour se décider à
se procurer les versions vinyles d’albums que j’avais déjà
en CD. Et qui n’existaient qu’en CD jusqu’à maintenant.
The House Of Fat est sorti à l’origine en 2003. C’était
le premier album de Joeyfat puisque The Unwilling Astronaut publié
en 2000 est en fait une compilation de singles et de raretés.
La première trace vinylique remonte à 1993, un single du
nom de God. S’en suit quelques concerts en compagnie de Green
Day, un single sur Fierce Panda, une participation au radio show de Marc
Riley après les recommandations d’un impressionné Graham
Lewis (Wire) pour qui Joeyfat a fait la première partie (de Pere
Ubu également), contribue à des Peel Sessions, se font approcher
par des majors qui flairent le bon coup. Et puis, plus rien. Joeyfat n’a
jamais voulu du succès. Une phrase du label résume joliment
la philosophie du groupe. Ils ont flirté avec la notoriété
et n'ont pas aimé ce qu'ils ont vu, alors ils sont restés
dans leur coin. Joeyfat a continué de vivoter dans sa ville
natale, à Turnbrige Wells dans le sud de l’Angleterre, s’est
occupé d’une salle de concerts, en a donné épisodiquement
quelques uns, a réalisé des disques quand bon lui semblait.
Et aurait servi de référence pour un max de groupes outre-Manche
selon Wrong Speed, de père d’une toute une scène post-punk/indie
dont Joeyfat n’a jamais voulu faire partie, le premier a adopté
le chant parlé, le groupe que tous les autres groupes connaissaient
mais ne mentionnaient jamais. Je n’en sais rien et à vrai
dire, je m’en fous. Joeyfat existe et ça me suffit amplement.
Joeyfat s’est toujours très bien débrouillé
tout seul pour faire sa musique dans son coin et briller sans l’aide
de personne. Qu’on s’intéresse à lui ou non ne
change rien. Et ce n’est pas, ça n’a jamais été
un discours de façade. Un groupe férocement et naïvement
indépendant.
En 2003, The House Of Fat sort sans faire de vague, dans une belle
indifférence. Faut dire que Joeyfat avait plus ou moins mis la
clef sous la porte en 96. Créé à la base par le bassiste
Jason Dormon qui est le compositeur principal et par le chanteur M. Edward
Cole qui jouaient déjà ensemble dans Big Pop Trotsky, Joeyfat
se compose alors de huit membres participant à la conception de
cet album qui, en réalité, existait déjà en
vinyle. Il a été publié à 111 exemplaires,
une version deluxe que Unlabel
avait appelé ça. Mais on fera comme si on savait pas. Une
réédition amputée d’un morceau, (My Life)
As A Counter Puncher (qui ne figurait pas non plus sur le vinyle d’époque).
Un titre qu’il est très bien pourtant. Le CD va donc garder
toute son utilité.
Par contre, parler de la musique de Joeyfat est toujours aussi compliqué.
Vous pouvez vous référer à la chronique
écrite quatre ans après la sortie de ce disque (ce groupe
a vraiment tout du syndrome du secret parfaitement gardé), le ressenti
n’a pas changé. The House Of The Fat est toujours spécialement
grand, différent, inclassable. Joeyfat ne se donne pas de limite,
ouvre les structures de ces compos à une narration qui lui est
propre, ne suit pas de schémas fixés à l’avance,
surprend et fait de chacun de ses morceaux un moment unique et particulier.
Mélodiquement inventif, intriqué avec les deux guitares
tissant des liens serrés à travers lesquels la lumière
peut surgir à n’importe quel seconde, une intensité
sur le fil du rasoir ou allant crescendo et splendidement soutenu par
le débit sans pareil de M. Edward Cole, mélancolique, bricolé
avec de courts instrumentaux synthétiques et étranges. La
rythmique est précise, rigide parfois, polyrythmique la fois suivante
avec un jeu donnant l’impression de deux batterie. C’est plein
d’espace mais aussi plein de dissonances, ça vous emporte
dans un tourbillon d’émotions prenantes comme sur Home
Dream ou Last Checked 13:15. C’est tendu et beau avec
de l’attention porté sur les arrangements comme la guitare
acoustique et les chœurs de Drake Breaks Rank ou le gimmick
de synthé de l’éclaté Blast Those Dogs
mais tout sonne juste et sobre. Joeyfat a des idées plein les poches
et il ne s’est pas fait prier pour les étaler de toute une
classe aux oreilles du monde entier qui ne sait pas toujours pas qu’il
a devant lui un groupe inestimable.


 
En 2000, Joeyfat repointait le bout de son museau avec une compilation
CD uniquement, The Unwilling Astronaut. C’est ce disque qui
leur remettra le pied à l’étrier pour déboucher
trois ans plus tard sur la parution de The House Of Flat. Là
encore, deux titres en moins sur cette réédition de Wrong
Speed. The Day I Realised I Was God et S.M.L. qui existe
dans une version légèrement différente (et meilleure)
sur The House Of Flat. Mais c’est tout de même bien
rempli. Quatorze titres issus de singles mais pas tous les singles. Il
manque le premier (God EP) et le split avec Part Chimp, ce qui
est normal puisque ce dernier est paru en 2004. Pour écouter ces
morceaux, il faut se procurer Ye Bloody Flux, l’autre compilation
de Joeyfat publiée en 2011 par Unlabel. Ou avoir ces singles bien
sûr qui s’achètent pour une poignée de pain vu
que Joeyfat, tout le monde s’en tape. Que ce monde crève la
bouche ouverte (comment ça, c’est déjà le cas
?).
Tous les autres morceaux sont tirés de répétitions,
de sessions studios ou d’enregistrements live entre 91 et 96. C’est
surtout l’occasion de comprendre la genèse du groupe dont
le duo de base, Cole et Dormon, s’est dit profondément marqué
par un concert de Fugazi vu dans le Kent au début des 90’s.
Et c’est effectivement une influence qui peut se faire ressentir
sur de nombreux passages. Pas intrinsèquement musicalement parlant
parce que Joeyfat possédait déjà son identité
mais dans la dynamique, dans l’espace entre les instruments, voir
certains plans rythmiques, ça sent l’inspiration de la bande
de Ian Mackaye mais à l’anglaise.
Un groupe qui a facilement trouvé écho chez Dormon, lui
qui venait de la sphère hardcore. Outre son projet pop Big Pop
Trotsky avec Cole, un de ses groupes hardcore de jeunesse se nommait Couch
Potatoes avec deux futurs Joeyfat (Jim Booth, batterie et Dave Gamage,
guitare). C’est donc un Joeyfat plus anguleux, plus sec, plus tapageur
mais ne se priant pas d’apporter de belles subtilités, des
contrastes pour mieux faire sonner les coups de butoir, de s’étendre
dans un champ plus expérimental (les cinq minutes de Cherub/An
Arm) avec le chant de Cole qui se distingue déjà du
commun des mortels. Un disque indispensable pour tous les fans de Joeyfat.
Mais moins que leur dernier album en date remontant à 2014 et dont
je ne peux m’empêcher de mentionner une nouvelle fois. Si vous
ne voulez pas mourir idiot, écouter Suit
Of Lights. Le meilleur de Joeyfat
se trouve sur ce double-album mirifique. Merci, vous pouvez maintenant
reprendre votre vie normale et désuète.
SKX (13/03/2025)


CD version, Unlabel records 2000 :
 

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