yoke
rocket


Yoke
s/t – LP
Rocket records 2023

On en a enfermé pour moins que ça. Yoke, fils du volcan et accessoirement originaire de Newcastle Upon Tyne en Angleterre, publie un premier album qui marque au fer rouge. Ce n’est pas à mettre en toutes les oreilles bien que cela mériterait d’être le cas histoire de rigoler un peu (et surtout de la peur des autres), c’est la catégorie des grands fracassés et qu’importe l’angle par lequel on l’aborde, une sacrée bestiole.
Le titre d’ouverture Coil serait presque trompeur avec ses onze minutes et quelques cauchemardesques. L’impression de partir sur un disque de doom torturé à souhait, répétitif jusqu’à en crever, à la lenteur malsaine, avec plein de larsens dans les gencives dessinant au fur et à mesure des avancées des stridences qui seraient presque belles à entendre, les amplis dans le rouge, un son écrasant et démoniaque qui craque de partout et un chant, si on peut appeler ça chant, cet appel à l’aide venant du fin fond d’une caverne contre laquelle ces hurlements désespérés rebondissent comme un écho lugubre. C’est l’apanage du batteur, Tommy Foggin qui forme avec son frère Daniel à la guitare et le bassiste Mark Brown (ces deux derniers cités étant partenaires aussi chez Smote avec un album début 2023 également chez Rocket records) un combo ne laissant pas la place à la pitié.
Si vous réussissez à passer ce crash test, la suite va être une promenade de santé. Car un larsen plus loin, Rubies accélère subitement la cadence. Et si les amplis étaient déjà dans le rouge, ils sont désormais cramoisis. Une attaque rythmique de champions où le riff est roi et assassin avant que tout ça ne vire au fuzz et au dérapage sadique. C’est Brainbombs sous amphétamines avec la lourdeur d’un bulldozer et la hargne d’un pitbull aux abois. C’est beau. Yoke remet ça avec Working Person. Le doom est très loin. Le psychédélisme, le trio le pulvérise. Yoke s’installe dans un groove intense, c’est brutal et impressionnant, le riff massacrant fonctionnant sur deux notes dévore les entrailles, les répétitions sont propulsées de l’avant, l’engagement est total. Sur les deux autres compos (Kiln et Me-Time) puisque ce disque n’en comporte que cinq (mais ça dépasse largement la demi-heure), Yoke opte pour une cadence entre deux eaux mais ne relâche jamais la pression et l’urgence qui menace. Le chant gronde, tente de s’échapper des profondeurs. La guitare magnifie les dissonances, les larsens, les saturations et tout ce qui peut produire du bordel pour en faire des armes à part entière capable d’élaborer des cathédrales de bruits édifiantes. Et ce son toujours, hyper dense, massif et par dessus tout, organique, malaxé, qui vous prend aux tripes et charrie des émotions sauvages et violemment épiques. Cet album a l’air radical et il l’est à bien des égards mais il est méchamment puissant, cogneur, inquiétant et redoutable comme tout bon disque de rock doit l’être. Laissez vous faire, ça va bien se passer.

SKX (26/03/2024)