yatsu
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Yatsu
It Can’t Happen Here – LP
The Ghost Is Clear records 2023

It Can’t Happen Here était le nom d’un roman d’anticipation écrit en 1935 par l’écrivain américain Sinclair Lewis. Alors que le fascisme montait en Europe, Lewis avait imaginé le parcours d’un populiste devenu président des États-Unis en s’appuyant sur les peurs des gens, le patriotisme, un retour aux valeurs traditionnelles et la promesse de réformes économiques et sociales pour que les USA retrouvent leur grandeur. Une fois élu, il prenait le contrôle total du pouvoir et imposait un régime totalitaire grâce à une force paramilitaire intraitable. Toute ressemblance avec un homme politique actuel est pure fiction. Ce qui a provoqué un net regain pour ce roman relativement ignoré à l’époque lors de la première campagne d’élection de Trump et qui a du être réédité pour l’occasion. Mais ça n’a servi à rien.
Yatsu, groupe de Dallas, reprend à son compte ce titre pour parler de l’illusion que les États-Unis est une puissance inamovible qui jamais ne pourra s’effondrer. Et c’est pas le genre pour le dire à demi-mot. Utilisant toute la force et la brutalité dont le hardcore est capable en le passant à la moulinette powerviolence, grindcore et metal, It Can’t Happen Here est une énorme soufflante de dix-sept morceaux en un peu plus de vingt minutes, une charge de bulldozer avec une lourdeur qui fait les tremblements de terre et un son de malade concocté par Michael Briggs crédité également à la ligne noise/manipulation. Car la nature a horreur du vide. Alors It Can’t Happen Here est une densité à couper au couteau et pourtant, jamais vous ne craignez l’asphyxie. Juste avoir une tête ressembant à une enclume après le passage d’un forgeron passablement énervé et opiniâtre. Ça passe crème même si vous vous dites que ce genre de purée n’est pas pour votre estomac fragile. Une vrai folie furieuse et consistante se dégage de ce premier album. Pas simplement une succession stérile de titres ultra courts se vautrant dans un mur mais un jet continu de bombinettes méchamment abrasives, notamment grâce à la voix très accrocheuse de JD Sweat et digne d’un Tim Singer (Bitter Branches). Des rafales trash de rythmes et de riffs saignants arrivant à construire en des temps records des compos qui tiennent la route et ne s’étiolent pas sous leur propre frénésie sans queue ni tête, une puissance et une colère qui viennent du fond des tripes, c’est retranscrit comme si ça se déroulait sous vos yeux, carré, enragé, affolé. Effet cathartique assuré et ça fait un bien dingue. Comme un long cauchemar tenant sacrément éveillé et se terminant par Militarized Hope, unique titre au-delà des trois minutes que n’aurait pas renié Deadguy. Cela peut arriver ici, tôt ou tard. L’histoire n’est qu’un éternel recommencement. Et je sais quel disque je mettrais ce jour là.

SKX (19/02/2024)