vautours
mercisatan

Vautours
Hail – EP
Self-released 2020
The Queen – EP
Merci Satan ! records 2021
Live Forever – EP
Merci Satan ! records 2023



Quand Vautours déploie ses ailes, ça donne trois disques. Non pas simultanément mais étalés sur quatre années. Dans un monde parfait mais pas trop quand même, il aurait été question de Vautours bien plus tôt. Au printemps 2023. La faute au petit dernier qui a connu bien des malheurs pour voir la lumière du jour. Un an de retard sur la sortie numérique. Alors du coup, cette gazette internet en profite pour faire le tour du propriétaire et passer en revue les trois enregistrements d’un groupe qui le mérite bien. Trois disques comportant à chaque fois six titres, pas tout à fait des albums mais suffisant pour être salement marquants à l’instar des visuels très particuliers. Signe qu’on va s’en prendre plein la gueule et que tous les coups sont permis. Vautours, quatre charognards de Lille qui en font voir de toutes les couleurs et ne se laissent pas facilement attraper dans les filets de la classification.
Dès Hail et son titre d’ouverture God’s Lucky, on se fait cueillir par une compo à l’acoustique majoritaire, deux guitares égrenant tranquillement une mélodie alors qu’un forcené hurle par dessus. Une entrée en matière laissant ouvert le champ à toutes les possibilités. Le titre du morceau suivant promet justement bien des tumultes. I Lost My Temper In A Tempest. Changement de braquet. Déchaînement soudain de violence. Tornade sous un crâne. Batterie mitraillette. Rechangement de braquet. Cassure, lourdeur, sample vocal venant appuyé les cris, la vision se brouille. Et il en va ainsi tout au long de ce premier jet qui arrose des territoires aussi larges et vastes que le metal et ses dérivés black et core, le noise-rock, le post-hardcore avec une bonne dose de déviances à chaque étage. Vautours picore à gauche et à droite, aussi bien Converge que Arab On Radar dans certaines stridences de guitare, aussi bien Coilguns que Today Is The Day avec l’approche noisy et rock et assemble un tableau cohérent et abrasif avec l’intensité en fil rouge. Des titres pendant lesquels on ne s’ennuie jamais et où il est permis de s’attendre à tout. Hail vous salue bien.







The Queen est triste et belle à voir. Couronne d’épines solaires pour continuer de briller au-dessus d’un champ tourmenté et ravagé. Vautours plane et aiguise son regard. Avec toujours Antoine Barbe (le jeune frère du chanteur Rémy) et Kylian Famel, le son se fait plus puissant, dense pour mettre en valeur des textures encore plus riches et mouvementées. The Queen, le premier morceau, fait apparaître l’influence Daughters dans la genèse du groupe. Violence larvée, mise en scène bruitiste/indus, ambiance funeste et anxiogène, guitare qui vrille dans les aigus. Vautours confirme que sa musique d’obédience metal/hardcore déborde bien plus loin que ce cadre et qu’expérimenter ne leur fait pas peur. Une entrée en matière encore une fois frappante et réussie, le (faux) calme avant la tempête. Guitare et chant perçants à la Arab On Radar sur les premières secondes de La Grande Saignée font couler un filet de bave. Vautours dépèce des cadavres encore chauds et en fait un repas de roi. The Queen est ballottée entre rythmes syncopés et méchantes branlées basiques (les 48 secondes punitives de Haut & Cour), de la compo qui prend du poids et rondement élaborées (Ascend et Unclean Wounds) et cet élan rock-noisy terriblement entraînant (The Idiot). Les samples persistent à s’insérer dans l’urgence des cordes vocales d’un chanteur qui ne fait pas mine et sait magnifiquement varier les tonalités et les effets de sa folie affleurante. The Queen is not dead.







Le vinyle de Live Forever est donc sorti en février 2024. Le rose et les paillettes sur le visage tuméfié ne sauraient nous tromper. Ça va encore faire mal. Vautours augmente sa maîtrise des compositions hybrides et singulières. Ça pourrait ressembler à un immense défouloir. C’est avant tout extrêmement revigorant, la philosophie Coilguns ou Ken Mode poussée dans ses retranchements et parfaitement assimilée quand il s’agit de mélanger noise, hardcore, metal et punk avec un esprit libre et aventureux quant aux articulations qui vont maintenir cet ensemble debout contre vents et marées. Vautours ne s’interdit rien et surtout pas un saxophone avec l’invité Lucien Dufour sur Live Forever, titre ouvrant royalement le bal dans une grandiose débauche sonore qui en met plein la vue. La suite va être tout aussi consistante et imprévisible. La basse énorme de My Sorrow Tastes Bitter Than Yours, les arrangements avec un piano, un saxo qui persiste, un chanteur qui semble être plusieurs dans sa tête, une vibration rock qui souffle tout sur son passage et la démence qui guette. No Hard Feeling est ce même puits extravagant avec refrain mélodique en bonus dans une besace inépuisable tant Vautours semble riche d’inspiration tous azimuts. Et ça continue (encore et encore) avec l’étrange et brumeux Ils Se Noient qui soigne les ambiances pour mieux ressortir les griffes que Vautours sort sur le féroce Blow Your Whistle, King. L’apothéose de ce feu d’artifice, c’est A Brief History Of Long Lasting Failure. Huit minutes pendant lesquelles Vautours fait la totale, résumé épique, foutrement intense et subtilement agencé de leur créativité débordante d’un groupe, pur produit du DIY et qui a su se construire au fil de ses jeunes années un présent audacieux et un avenir très prometteur. Hail The Queen Live Forever. Une trilogie se terminant de la meilleure des manières.
Et si vous avez envie que Vautours vous vole encore dans les plumes, deux titres supplémentaires existent sur un split 10’’ avec Exil et Traquenard publié en décembre 2021 par Merci Satan !, le propre label de Vautours.

SKX (01/04/2024)