theealcoholics
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Thee Alcoholics
Feedback – LP
Rocket records 2024

C’était le vendredi 9 février 2024. Thee Alcoholics a étourdi le Marquis de Sade à Rennes d’un flot puissant et enivrant. Et c’est comme si tout s’était mis en place, là, coincé dans un environnement restreint, sans fenêtre, sans échappatoire possible face à la dimension psychédélique de l’enfer des cinq londoniens. Les singles précédents avaient préparé le terrain mais je ne m’attendais pas à ça. Je n’avais pas saisi l’ampleur de la vague bruyante et hypnotisante que Thee Alcoholics était capable de déverser.
Feedback. Tout est dit, la couleur annoncée. Premier album d’un groupe qui a failli s’appeler The Muslims mais, dans un éclair de lucidité, s’est rétracté pour embraser un nom correspondant beaucoup mieux aux vigoureuses effluves grisantes de sa musique. Deux guitares, des synthétiseurs, une batterie, un chant construisent un mur du bruit aussi menaçant que stimulant, capable de faire bourdonner le crane tout en l’excitant, l’écraser et le réchauffer, conciliant riffs tranchants et dissonances volatiles avec un sens aigu de la répétition et de la tension larvée rendant les explosions d’autant plus magnétiques. C’est Spacemen 3 et Part Chimp dans la même pièce suffocante avec les ombres de Stooges, Brainbombs et Gnod veillant à ce que l’incendie se propage sans faille.
Rhys Llewellyn, ex-batteur de Hey Colossus (à la guitare et au chant ici), à la base du projet d’un groupe comprenant aussi son ancien compère au sein de Notorious Hi-Fi Killers, Tony Mountford (ex-Cove également), a réussi à créer un son unique, le son d’un rock - parce qu’il s’agit toujours que de ça au final – balancé avec une implication indestructible, une foi féroce dans le pouvoir des riffs qui laminent, transpercent, apportant joie, extase et transe. Car il s’agit aussi de rythmes qui martèlent, d’un groove méchamment efficace, dur, propulsif (It’s So Easy) pour vous embarquer dans des boucles infernales et intenses qui ont la bonne idée de ne pas s’étaler dans la durée comme sur What’s The Crack? (What’s The Story?) et Baby I’m Your Man au même titre que les ondes vrombissantes de la basse, les couches sonores qui s’empilent et le mec au saxo sur deux morceaux qui n’est autre que Colin Webster ne se faisant pas prier pour mettre sa touche de (free) bordel sur SE23. Quant au chant, il est volontairement en retrait dans le mix et, de fait, en concert ne s’entend pas vraiment sous le déluge mais apporte, les dents serrés, un contraste qui bonifie le malsain rampant dans les méandres de compos dévorantes.
Feedback, c’est beaucoup de bruits divers et variés mais c’est surtout dévastateur, un beau et grand tumulte jouissif rondement mené et si la belle pochette de Littlemouse suggère des pleurs, ils ne peuvent être que de bonheur.

SKX (25/03/2024)