nakedlungs

Naked Lungs
Doomscroll – LP
Self-released 2023
s/t EP – 12’’
Amber Light records 2022

Le doomscrolling, c’est trop d’écrans, trop de mauvaises nouvelles, trop de temps à se pourrir la tête et aimer ça parce que tu crois que ça te fait du bien. Alors je ne sais pas si le premier album de Naked Lungs va générer encore plus d’angoisse dans ta vie de merde ou te purifier l’esprit dans un effet cathartique mais Doomscroll est un pur condensé d’adrénaline qui met la tête dans tous ses états.
Avec le tableau La Chute des anges rebelles de Luca Giordano, peintre baroque italien, en pochette, ce nouveau groupe irlandais promet une tension incessante entre le bien et le mal. Entre faire un bordel de malade et de la mélodie qui vient comme la lumière du saint Esprit, des attaques de dégénérés et des élans de grâce, des stridences diaboliques et le calme où on ne sait plus trop si c’est avant ou après la tempête parce que ça débarque de tous les cotés. Une dichotomie musicale qui pourrait apparaître banale mais la façon de faire de Naked Lungs apporte ces contrastes sur un plateau sans en voir l’envers du décor.
Aidé dans leur tâche par le bassiste et producteur Daniel Fox, il est tentant de faire des ponts avec leurs compatriotes de Gilla Band. J’ai d’ailleurs eu peur à plusieurs micro-moments que Naked Lungs était frappé du même syndrome et que cette débauche sonore, ce chaos sonnaient trop artificiels et que la folie était vaine. Heureusement, le quatuor de Wicklow sait composer de vrais et bons morceaux solides. Si l’impression première et générale donne à croire que ça matraque dure et dans tous les sens, que ça hurle comme des damnés et ça fait du bruit comme douze, Naked Lungs est une bande de petits malins, aménageant de multiples fenêtres d’apaisement pour alpaguer l’auditeur dans sa sarabande infernale, parsemer des gimmicks qui vont devenir obsédants, trouver l’accroche mélodique pour atténuer l’hystérie qui bouillonne en eux, rendre l’incendie subitement beau et attirant, moduler l’intensité voir carrément la sabrer dans son envolée en mode coït interruptus pour susurrer des mots doux à l’oreille. Le chanteur est d’ailleurs un expert en la matière, un forcené expressif capable d’étaler toutes sortes de sentiments lors d’un même morceau.
Doomscroll
, c’est souvent dans le rouge, un noise-rock avec plein d’idées et de trouvailles sonores pour varier les effets, des titres qui te roulent dessus mais pas comme des sauvages et en prenant soin de ne perdre personne en route. Avec en point d’orgue Shell et ses presque six minutes sublimes résumant à elles toutes seules la philosophie de Naked Lungs.
Par contre, dommage de terminer avec deux morceaux synonymes d’une fin lourdingue. The Garden et encore plus Boo Boo feraient sûrement de l’effet dans un stade de foot en donnant envie de sortir le briquet au bout du bras mais là, ces deux compos semblent relativement incongrues après un tel festin avec un Tom Brady essayant de vraiment chanter, un solo de guitare tout honteux et des mélodies se voulant sans doute poignantes mais se révélant boursouflées et ratées. Une fin laissant planer l’ombre d’un doute sur la suite mais qui ne saurait tout de même gâcher le plaisir intense et convaincant qui a prévalu tout le reste de Doomscroll.







Et pour les personnes qui ont encore une petite faim, Naked Lungs avait débuté dans la vie vinylique en 2022 avec un EP cinq titres tout rouge. J’adore les vinyles rouges. Un vrai fétichiste. Daniel Fox était déjà aux manettes. Ces jeunes gens dont on ne sait rien de leur passé dans d’éventuels d’autres groupes avaient déjà la fibre, tout était bien en place. On retrouve en première position Database, un titre de Doomscroll, dans une version différente mais proche. Cependant, le titre phare, le tube de ce EP, c’est le second, Why Do People Change avec sa ligne de basse caoutchouteuse imparable, pour autant danser comme un lapin Duracell que tirer sur tout ce qui bouge. Lapin compris. Rumble clôt la face de manière probante et insiste sur une approche entraînante et catchy d’un groupe qui va rehausser le ton d’agressivité pour Doomscroll. Face B, deux titres live. Le très court et anecdotique Wrecked Home (qui devait servir à régler les amplis) et Second Song qui est le second morceau de Doomscroll et fait preuve de plus d’imagination que son titre. Et donne à l’occasion l’envie de voir Naked Lungs en chair et en os sur une scène.

SKX (11/03/2024)