jelodanti

Miss Marvel
s/t – LP
Jelodanti records 2023

C’est un bout d’histoire de la noise française qui nous revient dans les gencives. Avec trente années de décalage. Tout un pan de déflagrations soniques revenant hanter des territoires que Deity Guns, Sister Iodine ou Flaming Demonics avaient copieusement défrichés et arrosés. Miss Marvel, trio passé comme une météorite dans le ciel parisien entre 1991 et 1992. De Amaury Cambuzat (guitare/chant) et Olivier Manchion (basse), on retiendra surtout leur groupe suivant, Ulan Bator. Du batteur Franq De Quengo, c’est surtout son travail de programmateur pour le Sonic Protest qui retient l’attention bien qu’il ait continué de fourbir ses armes très expérimentales au sein de multiples projets comme Dragibus ou Ilitch et qu’il fût aussi le fondateur du magasin de disques Bimbo Tower.
Mais avant de compléter ces belles cartes de visites, le trio s’était donc fait la main en plongeant tête la première dans les affres décibeliques d’un rock très bruyant qui était loin d’être parfaitement en place mais la fougue de la jeunesse faisait le reste. Après deux cassettes démos, Miss Marvel avait enregistré son premier album. Il n’est jamais sorti. C’est cet album qui ressort aujourd’hui de sa tanière et met fin à la malédiction d’un groupe qui s’était séparé entre temps.
Masterisé en 2023 par Amaury Cambuzat, cet album posthume baigne malgré tout dans son jus d’antan. Et c’est tant mieux. Le témoignage d’un groupe qui tentait de trouver sa voie à une époque où noise et grunge secouaient le monde de la musique avec en plus une approche expérimentale digne de l’esprit no-wave à la fin des 70’s comme en attestent les crédits avec le mot Toys associé à chacun des trois membres du groupe en plus de leurs instruments respectifs. Et qui s’entend particulièrement sur Hard-Boiled 2 déstabilisé tout du long par des jouets facétieux et diaboliques. Le son apparaît plus d’une fois à l’arrache, tout ramassé sur lui-même. L’espace et l’air attendront parce que là, tout de suite, c’est l’urgence et le bordel qui comptent, le niveau de nuisances, les descentes de manche frottant intensément les cordes, les rafales de caisse claire et hurler tout ce qu’on a parce que c’est la première fois et il faut que ça sorte. Ça reste majoritairement instrumental, furieusement spontané, sauvage et déglingué, n’hésitant pas à pousser le vice de leur foutoir juvénile au-delà des sept minutes quasi psychédéliques sur le titre ayant le même nom que le groupe avant de tout ravager sur pratiquement la même durée lors d’un ultime titre n’ayant ni queue ni tête en plus de ne pas avoir de nom, incarnant un baroud d’honneur parfait avant extinction définitive des lumières. Et qui retrouve miraculeusement un nouvel éclat trente ans plus tard.

SKX (13/01/2024)