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Kollapse
AR – LP
Fysisk Format/Vinyltroll/Head records 2024

Deuxième album pour le trio danois Kollapse. Sult en 2021 nous avait filé entre les doigts. Ce ne sera pas le cas de AR. Ne serait-ce que pour l’artwork, une peinture de Sam Bee. Vous n’êtes pas obligés d’aimer la pochette de cet alien qui a mâchouillé trop fort une bulle de malabar géant mais il est difficile de la rater. Et avec un rose qui ne dit rien de la noirceur qui règne à l’intérieur même si on sent bien que quelque chose de pas très catholique se trame dans le paysage.
Kollapse était le nom de l’ultime album des Suédois de Breach. Cela pourrait fournir une piste pour savoir ce qui vous attend chez AR à condition de se tourner vers le Breach époque Venom et non ce dernier album plus mitigé. Une volonté identique de mélanger post-hardcore, metal, sludge, noise-rock et autres radicalités de bon goût dans des formats s’affranchissant d’un cadre trop strict et linéaire. Le reste n’est que littérature et comparaison à la con. Ce qui ne va pas empêcher de citer Sumac aussi pour cette approche alliant férocité et enchevêtrement des plans, voix de mammouth écorché, lourdeur abyssale et une puissance aussi précise qu’implacable que l’on doit à l’enregistrement de Jacob Bredahl avec Scott Evans (Kowloon Walled City) pour le mixage. Bref, Kollapse n’est pas là pour rigoler et il le fait admirablement bien.
Le batteur frappe comme un sourd sans attendre aucune réponse en retour. Les coups de basse sont monstrueux. Ça fait parfois comme un coup de fouet mais avec l’épaisseur d’une barre de fer à l’instar de Form. Et le chanteur s’arrache à la mort les cordes vocales qui restent se consommer sur l’asphalte de la désolation.
Mais ce qui fait vraiment le charme de Kollapse, c’est cette brutalité savamment dosée, l’art de glisser des arpèges civilisés dans toute cette sourde violence pour illuminer la noirceur ambiante, le travail d’une guitare œuvrant pour l’harmonie, ce qui ressemble à des mélodies et des riffs de haute compétition qui embrasent autant qu’il crament tout. Ça et des structures qui vous malmènent dans tous les sens, des rebondissements et des déflagrations finement amenés, des labyrinthes dans lesquels on ne se perd jamais parce que l’intensité est un fil conducteur primordial tout comme l’urgence à fleur de peau et que ça évite toute prise de tête. Ça serait même droit dans la face à leur manière, même sur les huit minutes et quelques de Dekomposition et l’ensemble des six titres (les quarante-six secondes du morceau d’ouverture ne sont pas comptées bien qu’elles annoncent moult souffrances) parce que Kollapse bastonne sans cesse, trouve toujours un moyen de rajouter de la pression quand bien même il prend des chemins tortueux. L’unique moment d’accalmie se trouve à la fin de Kokon avec son piano mortuaire qui fait le lien avec le début de Transformation et sa seule belle guitare cristalline avant que le coup de massue ne retombe. Kollapse n’est pas qu’une brute sanguinaire, bien au contraire. Le trio d’Aalborg signe un album haletant, oppressant, farouche mais étonnement éclairé, d’une grande maîtrise et suspendu au-dessus d’un gouffre vertigineux.

SKX (13/04/2024)