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Big|Brave
A Chaos Of Flowers – LP
Thrill Jockey records 2024

Nature Morte bouge encore que Big|Brave enchaîne déjà avec A Chaos Of Flowers. Septième album en dix ans plus un split avec The Body, le groupe canadien a la santé et continue de creuser inlassablement les mines obscures et mystérieuses de la matière sonore d’où il extrait des trésors ne ressemblant à rien de connu sinon à lui-même. On a beau être prévenu, l’éclat est toujours aussi attirant et profond.
Un éclat plus sombre que jamais. Et pas seulement parce que le titre d’ouverture s’appelle I Felt A Funeral. Pas de quoi faire une tête d’enterrement pour autant. La musique de Big|Brave a toujours été plus grave que triste, plus vulnérable que donnant l’envie de se pendre. Cependant, A Chaos Of Flowers ne facilite pas les effusions de joie. Il faudra encore attendre pour l’euphorie avec un album qui plonge encore plus loin dans les entrailles d’un son qui se fait plus expérimental et inaccessible. Mais qui n’a jamais paru aussi travaillé en profondeur de la part de Seth Manchester, le producteur attitré du groupe qui manie aussi le synthé, avec l’ajout de deux autres guitaristes (Marisa Anderson et Tashi Dorji) sur une poignée de morceaux plus le saxophoniste Patrick Shiroishi sur Not Speaking Of The Ways et Theft. Avec les habituelles guitares des tauliers Mathieu Ball et Robin Wattie, ça craque, ça crépite et ça vibre de partout, ça provoquerait un incendie sans aucune allumette, sans aucun soleil et ça répand pourtant une chaleur de dingue, ça construit des strates d’un bruit informe comme une lave houleuse et accidentée demandant du temps pour apprivoiser vos sens, pour vous y glisser alors que l’espace est parfois restreint et rempli de cavités obscures et que la batterie se fait discrète, la rythmique réduite au silence. C’est pourtant de ces textures de poids, de ces multiples zébrures épaisses, granuleuses, de ce fatras de feedback, larsens, accords rudimentaires, de ce minimalisme prononcé que naissent l’attraction et le plaisir. L’immensité du vertige.
Mais la lumière n’est jamais loin chez Big|Brave. Elle passe à travers les nombreuses fissures, est portée par le chant toujours aussi envoûtant de Robin Wattie, magnifiée par les mélodies d’une grande sobriété, puissantes et solennelles, par des accalmies qui vous terrassent après l’orage. Paradoxalement, A Chaos Of Flowers est un album en apparence moins explosif et tumultueux que précédemment. Mais c’est là, sous la roche, un disque faussement plus apaisé alors que ça gronde sans arrêt. Une fragilité accrue alors que ça menace d’imploser à chaque instant. Une mise à nue qui devient réelle le temps de A Song For Marie Part III quand le groupe se débarrasse de tous les oripeaux bruyants ou sur le dernier titre Moonset qui promet un coucher tout en douceur avant que le final n’explose la lune en mille morceaux, comme pour dire que son éclat est trompeur et que Big|Brave n’est pas prêt de livrer tous les mystères de son alchimie unique qu’il continue d’alimenter brillamment.

SKX (26/05/2024)