stillform
hex


Still/Form
From The Rot Is A Gift – LP
Hex records 2022

Robert Comitz était apparu dans nos radars avec Marriage + Cancer. Un album au compteur et un dernier single en 2019 où il était dit que le groupe était sur la tangente mais semblait tenir bon la corde. Il n’en a rien été hélas. Mais la déception fut de courte durée. Dans la foulée, le guitariste-chanteur a formé Still/Form. Outre son goût pour les noms de groupes sibyllins, Still/Form reprend plus que moins les principes fondamentaux de Marriage + Cancer. L’euphorie revient sur les rails.
Avec également Kirk Evans (Dark Numbers) à la basse et Ryan Losli à la batterie, le trio de Portland visite à nouveau les recoins déchiquetés de nos vies blafardes en les soumettant à un angle imperceptiblement décalé. La catégorie est noise-rock mais il émane de From The Rot Is A Gift des ondes particulières, une façon de présenter son bordel s’appuyant sur des racines bien ancrées dans le monde du noise-rock mais ne ressemblant au final qu’à Still/Form. Le chant n’est sans doute pas étranger à cette drôle de perception. Éraillé ou comme si le cri n’était pas en capacité de fournir sa pleine mesure, un voile déchirant sur une frustration enfouie depuis trop longtemps et qui n’arrive plus à sortir, une scansion particulière rajoutant une couche de désespoir à une musique déjà bien sombre.
Ou alors c’est (aussi) le son étrange de cette guitare donnant l’impression plus d’une fois qu’un synthé vient appuyer les mélodies comme sur la fin (très belle) de Unhung (ça peut pas être autrement, c’est un synthé ?) alors qu’apparemment non, les cordes glissent dans un monde parallèle, glissent tout court comme sur une nappe d’effets dans un monde où la désinformation règne. Tout est complot et Still/Form arrive à nous faire douter, nous plonger dans un bain mouvant et alarmant, à nous faire entendre le noise-rock à travers un prisme où Buildings et Young Widows seraient dilués, métamorphosés, recrachés (sur leurs tombes).
Mais ce qui est certain au final, c’est que le trio délivre des morceaux magnétiques. C’est puissant grâce à la section rythmique citadelle imprenable et son groove épais et brutal, c’est grave, profond, hanté, avec le sens du drame et de l’accroche, racé dans toute cette fureur froide, une violence sourde qui vous remue les tripes et fend les armures. Un album composé et enregistré pendant le confinement général alors que le groupe n’avait pas donné un seul concert. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre le titre de ce premier album, From The Rot Is A Gift, car effectivement, de ce moment bien pourri est né un très bon album finement singulier.

SKX (04/01/2023)