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Oiseaux-Tempête
What On Earth (Que Diable) – 2xLPs
Sub Rosa/Nahal records 2022
J’ai toujours été intrigué par Oiseaux-Tempête.
A commencer par les pochettes qui interpellent et donnent envie. L’envie
de gratter, de percer des mystères qui ne sont que dans la tête,
s’inventer des errances, les pensées qui s’échappent,
attiser par une musique qui stimule toujours autant l’imaginaire
ou plus exactement qui le fixe et le met hors du temps, en suspens, fini
de courir et de s’agiter, se décoller de sa propre personne
et de sa lourdeur encombrante.
Pour autant, on ne va pas se faire tout un film de What On Earth (Que
Diable). En soixante-dix minutes, on a le temps de revenir sur terre.
De se morfondre dans des paysages ouatés et méditatifs,
de trop subir le scénario d’atmosphères qui se diluent
sous le poids de leur propre langueur. Mais plus d’une fois, What
On Earth (ou que diable en français) vous transporte ailleurs,
ce qui a toujours été la grande force de Oiseaux-Tempête.
Son indéniable et immortelle force suggestive. Celle qui nous avait
déjà beaucoup chahuté sur From
Somewhere Invisible. Avec des armes, non pas nouvelles, mais grandissantes
et de plus en plus imposantes sur What On Earth. Un vernis électronique
qui a pris de l’épaisseur, les synthés analogiques
et modulaires qui étendent leurs ondes mélancoliques, vibrantes,
électrisantes, magnétiques, lentement et tragiquement mélodiques.
Et dont le sommet est atteint sur le titre fleuve (vingt minutes) The
Crying Eye – I Forget et l’autre titre très long,
A Man Alone In A One Man Poem avec la sobre intervention vocale
(assez brève finalement sur les onze minutes) de GW Sok qui n’a
jamais eu besoin d’en faire beaucoup pour se faire remarquer. Quant
au chant de Radwan Ghazi Moumneh sur The Crying Eye, c’est
frissons garantis sur une compo d’une lenteur et d’une beauté
envoûtantes. On ne sait plus si on sombre dans les abysses ou si
on s’envole à des hauteurs vertigineuses mais jamais vingt
minutes n’ont parues aussi courtes et fascinantes.
Et ce genre de petit miracle, tenir en haleine alors que cette musique
est d'obédience plutôt contemplative et introspective, le
trio Frédéric D. Oberland, Stéphane Pigneul et Mondkopf
(avec l’aide leurs nombreux invité-e-s) le récidive
à maintes reprises (Partout Le Feu, Voodoo Spinning,
NU.E.S Sous La Comète) en y insufflant plus d’intensité,
plus de pulsations (la batterie de Jean-Michel Pirès), encore plus
de magie et de poésie en se montrant finalement assez minimaliste
dans l’expression malgré tout l’attirail instrumental
mis en jeu et les couches sonores qui s’accumulent mais ne se font
pas sentir. Des mouvements répétitifs, des nappes synthétiques,
des drones étirant l’effet hypnotique et so(m)brement mélodique,
qui renforcent encore et toujours plus cette fameuse force suggestive
de la part d’un groupe qui ne cesse d’évoluer, expérimenter
tout en réussissant à garder un fort pouvoir d’attractivité
assez unique et onirique dans le paysage musical.
SKX (13/03/2023)

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