jakson
swishswash


Jakson
Filth – LP
Swish Swash records 2022

Pas en avance sur ce coup là. Encore une fois. Deux ans que Filth a fait son apparition sur les plates-formes numériques. Cependant, il a fallu attendre novembre 2022 pour que Jakson, groupe australien, voit son album sortir en vinyle. L’honneur est sauf mais on n’en a rien à foutre. Et c’est un label de Rennes, Swish Swash, qui a eu cette excellente initiative. La liaison Australie-Rennes fonctionne à merveille. Merci à Beast records d’avoir créer ce pont improbable.
Jakson, c’est Jakson Gibbs. La tête pensante qui brille par ses paroles douloureusement sincères, son humour qui fait mal, sorte d’innocence lucide, de vision sur lui-même et ces contemporains qui le désespère autant que ça l’amuse et qui du coup fait passer ses messages sans prendre la tête avec quelques provocations bien senties au passage.
Et pour la musique, c’est avec Jake Dimovski, Reuben Maskell et Nikita Kokurin que Jakson a composé son premier album Filth lors de sessions d’improvisations, dans le salon d’une colocation entre deux confinements à Canberra. Puis l’a enregistré en une seule prise en studio. Et on le sent ce caractère improvisé, spontané, live qui évolue selon un fil narratif allant de paire avec le chant façon spoken-word de Jakson Gibbs. Un son comme si vous étiez dans la pièce avec eux, crépitations, imperfections, trépidations comprises. Un bruit qui respire par tous les pores, les doigts qui crissent sur les cordes, la chaleur qui se dégage des amplis et l’intensité de la voix qui capte l’attention.
Jakson peut ainsi se laisser aller à des digressions qui ne sont jamais du vain remplissage, s’abandonner dans de longues minutes incandescentes d’un disque ne comportant que cinq titres mais tapant pas loin de la demi-heure. Jakson égrène son blues à toutes les sauces, avec des accents post-punk, noisy, swamp, garage, rock australien dans ses gènes les plus profondes et bien au-delà aussi. Avec colère, dépit, dérision ou violemment quand Jeff Bezos en prend pour son grade sur le titre résumant parfaitement le fond du problème (Hey Jeff Come To Bendigo I Just Want To Chat I Totally Won’t Punch You In The Head I Promise / Guillotine, ce dernier terme étant hurlé avec la rage qu’il faut). Les guitares font un bordel magnifique et empruntent toute la tristesse du monde au sein d’un même morceau, le touchant et poignant I Wish I Was Asexual. Ode To Angus (Suicide Is A Human Right) est aussi très bon dans le genre pour vous retourner tripes et cerveau. Le blues de Jakson est méchamment abrasif, agité et beau.
Et n’a pas de temps à perdre puisqu’un nouvel album est sorti en début d’année, Too Artsy For The Footy Kids, Too Footy For The Art Ones (uniquement en version numérique mais on n’est pas à l’abri d’un vinyle un jour). Une version plus apaisée et intimiste, Jakson Gibbs ne s’entourant que d’un seul autre compagnon, Liam Unwin. C’est la face freak-folk/lo-fi/indie de Jakson, plus détendue mais pas moins triste. Pas pour rien que les deux derniers morceaux s’appellent I Can’t Cry, part 1 et 2 parce que c’est tout le contraire que ça provoque. Filth reste d’une toute autre trempe mais ainsi va la vie de Jakson Gibbs et elle n’a pas fini de nous étonner.

SKX (13/07/2023)