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The Drin
Today My Friend You Drunk The Venom – LP
Drunken Sailor records 2023
Down River In The Distance – LP
Future Shock/Mangel records 2022

The Drin est devenu un véritable groupe. Et pas qu’à moitié. The Drin est passé de un à six membres. Tout ou rien. Projet à l’origine de Dylan McCartney, le groupe de Cincinnati voit désormais les choses en grand. Avec trois membres du nouveau groupe Corker (Cole Gilfilen, Ryan Sennett et Luke Corvette) et deux autres (Eric Dietrich et Dakota Carlyle) qui avaient déjà joué avec McCartney au sein de Mardou, The Serfs ou Crime Of Passing, The Drin a pris de l’épaisseur par rapport à l’approche lo-fi étrange du premier album Engines Sing For The Pale Moon. Ce qui n’empêche pas McCartney et sa bande de poursuivre des marottes musicales identiques. Ce sont juste les moyens qui évoluent et donc le rendu sonore.
Ce troisième album au titre génial Today My Friend You Drunk The Venom continue d’explorer la face cachée du post-punk, erre dans des sphères bizarres aux confins d’un psychédélisme angoissant et d’un krautrock qui ne fait pas planer. Il est donc beaucoup question de rythmes, de basse qui vire au dub sur Eyes Only For Stage, de sonorités tordues et étranges serpentant dans les méandres de structures semblant toujours pressées d’en découdre. Alors quand le venin se répand et agit, les convulsions débutent, la transe peut voir le jour. The Drin devient nerveux et agité à l’instar de Stonewallin’, Walk So Far aux relents (fortement persistants sur l’ensemble de l’album) garage-rock ou Go Your Way Alone avec sa batterie sonnant comme des coups de fouet et ses réminiscences Velvet Underground. C’est d’ailleurs tout l’album qui trempe dans une aura fleurant bon le passé et des gloires d’antan. Mais The Drin possède l’habileté pour faire mariner ses effluves dans un bain de jouvence dopé aux échardes noisy et aux attaques soniques, des rythmes trépidants qui boostent (les quasi six minutes finales de Mozart On The Wing qui vole grand train), une urgence et une intensité montant en flèche dans l’univers de The Drin qui sont belles à voir et à entendre. Today My Friend You Drunk The Venom, à votre santé et surtout sans modération.







Entre Engines Sing For The Pale et Today My Friend You Drunk The Venom, il ne faut pas oublier le second album Down River In The Distance. Le prolifique Dylan McCartney était encore tout seul à la barre de The Drin à une époque qui est très récente. Mais il a pu compter sur le fidèle Dakota Carlyle qui lui a prêté main forte pour quelques parties de guitare électrique sur trois titres et pour l’habillage électronique (ainsi que la pochette).
C’est donc la version The Drin utilisant tout ce qu’il avait sous la main dans son grenier pour constituer une bande-sonore disloquée, tour à tour onirique ou anxiogène, intemporelle, instable et fourmillant de mille sonorités tremblantes. De la cloche à vache à un mélodica cassé avec des amplificateurs bourdonnants à peine fonctionnel et des bouteilles d’ouzo, la liste de l’instrumentation fournie est longue, improbable et incertaine. Surtout quand la paranoïa, la solitude d’un endroit abandonné et des cauchemars vifs et viscéraux s’invitent au bal de l’inspiration. Sans oublier the ‘‘thing’’. Ça doit faire un drôle de bruit cette chose. Le bruit du vitriol sur une plaie. D’une chute au ralenti dans un climat délétère. D’une drogue pour oublier. Down River In The Distance, pulsation singulière et sombre, fatalement hypnotisante, caoutchouteuse ou sur les nerfs, redonnant ses lettres de noblesse au terme lo-fi quand il est fait avec autant de consistance et de déviances finement senties. Le post-punk, quand il continue de chercher, d’expérimenter et jouer sa propre partition sans que le passé (que Dylan McCartney ne renie pas) lui fasse de l’ombre est un terme qui reprend aussi des couleurs et du sens. Dix compos, autant de mécaniques surprenantes, vibrantes, grésillantes, avec plein de brisures, d’éclats de verres, de mélodies acides ou traînantes, d’épines et d’harmonies enfumées tout en proposant à maintes reprises son interprétation du dub qui risque de ne pas plaire aux puristes. Dans son coin en solitaire ou en bande à six, The Drin fait résonner sa petite musique personnelle du bonheur.

SKX (28/12/2023)