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Unik Ubik
I’m Not Feng Shui – LP
Humpty Dumpty/Rockerill/Love Mazout records 2022

Six ans que Unik Ubik n’avait pas publié de disque. C’est long six ans. Mais le groupe franco-belge revient comme si Maximum Axis était sorti hier. Une palette sonore qui ne bouge pas, une continuité belle à voir et surtout entendre. Et ce en dépit d’une formation remaniée. Pour un troisième album qui aurait pu sortir bien plutôt puisque les morceaux ont été enregistré en mars 2019. Le temps et l’ordonnance du monde sont des paramètres imprévisibles.
Unik Ubik nous gratifie donc une nouvelle fois d’une magnifique virée en territoires contrastés, bien loin de l’image déjantée qu’on veut lui coller. On n’est pas dans le punk festif non plus (que les dieux de la musique m’en préserve). I’m Not Feng Shui est avant tout le reflet d’une musique extrêmement vivante, avec ses joies et ses peines, ses doutes, sa gravité e t l’envie d’envoyer tout valdinguer dans un grand tourbillon d’insouciance.
The Ex plane sur Unik Ubik avec bienveillance, à tel point que G.W Sok est invité à donner de la voix sur This Is The Day. Mais c’est une influence parmi d’autres car Unik Ubik possède l’art de transcender tout ce que le rock et le punk peuvent compter de dansant, entraînant, poignant, électrisant, virulent. La touche cuivrée est toujours présente mais à un degré moindre. Le trombone est parti, ne reste plus que le saxophone, renforçant ce sentiment d’un album plus homogène bien qu’inclassable, plus punk voir post-punk et on ne dit pas ça uniquement pour la (superbe) reprise Pinheads On The Move de Tuxedomoon. Quelque chose de plus tendu, sec, piquant, sombre qui flotte dans l’air, le rend maussade ou lumineusement beau comme sur Right Or Contract, ultime morceau qui n’est pas loin d’être le meilleur de I’m Not Feng Shui avec une mélodie hypnotisante et une tension allant crescendo et qui laisse autant rêveur que sur le carreau.
Car si plus d’une fois, ce disque donne envie de se trémousser en s’ancrant dans l’afrobeat et des parties de batterie succulentes de la part de Thom D’Hallewin, I’m Not Feng Shui marque en profondeur et stimule les émotions en plus de faire transpirer le physique par une approche plus nuancée et mesurée. Des passages qui vous transportent avec légèreté et vitalité mais sont emprunts de sérieux et d’éclats avec une petite pointe de mélancolie. Une approche aussi plus direct et simple comme avec Tractors And Cows Down To St James Infirmary, plus trépidant et abrupt et qui fait même un peu de politique (et de l’humour) avec Maggie Débloque pour Maggie De Block, célèbre politicienne au plat pays. Comme un parfum d’avant rock-rock revigorant et touchant astucieusement élaboré avec une belle inventivité et musicalité dedans, des teintes d’ethio-jazz et une acidité punk qui aurait épuré le propos tout en y rajoutant du piment. I’m Not Feng Shui et pourtant, malgré toutes les secousses et le mordant, les énergies qui y circulent sont positives, un disque parfait pour se sentir à l’aise et heureux.

SKX (24/04/2022)