springtime
joyfulnoise


Springtime
s/t – LP
Joyful Noise records 2021

Encore du retard, encore un vinyle qui a mis des siècles à sortir. C’était en novembre dernier qu’il aurait du voir le jour mais quand on s’appelle Springtime, quoi de mieux que le mois de mai pour se manifester. Un nouveau projet en provenance d’Australie avec Gareth Liddiard (The Drones, Tropical Fuck Storm), Jim White (Dirty Three) et Chris Abrahams (The Necks, vétérans cultissime de la scène avant-garde jazz), soit une formation guitare/chant, batterie et piano. Un trio venant d’univers musicaux très différents et qui (histoire de continuer à faire dans l’hétéroclite) bénéficie comme présentation sur leur bandcamp d’un texte de David Yow (himself). Et qui n’y va pas avec le dos de la cuillère en terme de compliments qui peuvent se résumer à sa première phrase avec toute la poésie qui le caractérise : I love this shit. Est-ce que ça veut dire qu’on va boire les paroles de notre Maître à tous sans sourciller ? C’est pas sûr.
Mais cette merde mérite franchement qu’on s’y attarde. Ne serait-ce que pour le titre d’ouverture, Will To Power. Et pour le dernier, les neuf minutes de The Killing Of The Village Idiot. Deux morceaux qui possèdent la patte Gareth Liddiard, usant d’une gamme mélodique et d’une intensité dramatique à la de The Drones et qui fait dire que ce gars est quand même doué pour écrire des satanées chansons qui vous font vibrer de partout.
Entre les deux, cinq compos plus fluctuantes qu’une écoute distraite, rapide ou selon l’humeur du jour peuvent paraître mornes. C’est le cas avec The Viaduct Love Suicide et She Moved Through The Fair. Mais c’est fait avec tellement d’élégance, de retenue et une mélancolie absorbante qu’il est également permis de ne pas rester indifférent. En fait, dès que Springtime met des regains de tension et des tremblements, que le morceau s’emballe, que la batterie trépigne, que le piano s’envole dans des courbes haletantes ou des notes éclatées et que la noirceur autant que la mélodie s’épaississent dans un crescendo de fracas, Springtime retrouve des couleurs et évolue sous une lumière aussi avantageuse que prenante. Jeanie In A Bootle, The Island et West Palm Beach, une reprise de Bonnie Prince Billy/Will Oldham enregistrée en live avec un vrai public valent leur pesant d’émotions sans fard, de frémissements et de secousses.
Trois musiciens qui ne jouent pas d’habitude le même sport mais qui évoluent d’une même main, dans un mouvement identique au service de compos dont les paroles racontent des histoires (vraies hélas) plus dures que le plus dur des hivers pour une ambiance générale lumineusement sombre.
Depuis, le trio a publié Night Raver, un EP uniquement digital qui donne dans la démesure avec trois très longs titres et une vie là-dedans multiple, aussi incroyable qu’exigeante. Springtime, c’est pas le printemps, c’est pas la fête mais un groupe talentueux d’où émane une drôle de clarté très attachante.

SKX (04/05/2022)