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Gnod
La Mort du Sens – LP
Rocket records 2021

Quinze ans que Gnod existe, une discographie tentaculaire et disparate sous tous les formats possibles plus des splits, live et des collaborations dans tous les sens (un vrai bordel) et toujours pas une ligne sur ce groupe de Salford (banlieue de Manchester) dans ces pages, un véritable scandale. Plus qu’un groupe, un collectif. Pas toujours facile de savoir qui se cache derrière les enregistrements (c’est le cas pour La Mort Du Sens) mais une douzaine de musiciens défilent régulièrement dans les rangs de Gnod pour un résultat naviguant entre noise (rock), punk, electro, drone, psychédélique, expe bruitiste jazzy dub mais de qui se moque-t-on.
Pour s’y retrouver et surtout si vous voulez faire connaissance plus précisément avec Gnod sans vous taper l’intégrale qui ne regorge pas loin s’en faut que des pièces gagnantes, il faut se focaliser sur les disques publiés par Rocket Records. C’est à dire l’aspect noise et rock au sens large de Gnod si jamais vous êtes un grand sensible et que les autres genres énumérés (liste non-exhaustive) sont susceptibles de vous fatiguer très rapidement. La Mort Du Sens est donc le trente douzième disque de Gnod et il se situe dans la lignée de Chapel Perilous et Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine (un titre qui situe tout de suite Gnod sur l’échelle des valeurs) ou également Mirror en 2016. Tout en étant différent car Gnod est incapable de faire deux fois le même album. Ça va taper fort, ça va faire (beaucoup) de bruit, ça va être sacrément intense, ça va être la transe dans sa version sombre et primaire, les répétitions nihilistes qui dévorent le cerveau, bref, c’est le Gnod comme je l’aime.
Les albums de Gnod ne comportent jamais beaucoup de titres et c’est encore le cas avec La Mort Du Sens (en français dans le texte, ça fait plus chic). Cinq compos parce que Gnod aime quand ça s’étire, que ça fait mal, toujours plus mal et les douze minutes de Giro Day vont dans ce sens. On peut même dire que c’est un morceau qu’il en a sous la pédale. Infatigable, démesurément cauchemardesque, répétitif à mort, angoissant, quand on croit qu’ils sont arrivés au bout du supplice, ils en rajoutent encore une couche, puis une autre et encore une autre. Et puis une dernière. En fait, c’est sans fin, c’est Gnod, le psychédélisme tortionnaire pour une pièce noise monstrueuse de tout premier choix. Mais comme Gnod aime les contre-pieds, c’est en fait le seul péplum de La Mort Du Sens. Pour les quatre autres morceaux, Gnod fait plus direct. Avec toujours ce coté psyché malsain (pas étonnant de voir Neil Francis, le chanteur de Terminal Cheesecake, au micro de Gnod depuis quelques albums), un cuivre libérateur et beau comme une bataille perdue d’avance sur The Whip And The Tongue, du lancinant qui fait souffrir dans sa chair, une basse orgueilleuse (Town), une force rock accrue, des pointes acérées que Gnod vous enfonce dans le crâne comme jamais, un sens du chaos et de l’urgence savamment rythmé par deux batteries, une transe primitive et violente avec presque un tube pour du Gnod, l’imparable Pink Champagne Blues, une ode au retour à la vie sauvage.
La Mort Du Sens, c’est ce que Gnod a fait de plus brutal et spontané parce que l’époque le demande, parce que quand tu te demandes tous les matins pourquoi tous ces abrutis continuent de vouloir faire tourner la terre comme des hamsters en cage alors qu’elle ne tourne plus rond depuis belle lurette, il faut une réponse comme celle de Gnod ressemblant à un bon gros majeur absurde enfoncé dans la face d’un monde qui se bouffe les entrailles et qui n’a que ce qu’il mérite. Gifle magistrale.

SKX (10/01/2022)