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jarane


Toru
s/t – LP
Pied de Biche/Araki/Poutrage/Jarane records 2020

Si le nom renvoie au Japon et à l’écrivain Yukio Mishima dont Toru est un personnage de sa tétralogie La Mer de la fertilité, c’est sur la Côte d’Azur, à Nice exactement, que l’ancre se pose. Pas franchement le même décor. Le paysage sonore de ce nouveau groupe est sculpté dans une roche volcanique et disloquée hanté par un cheval omniprésent, aussi bien sur la pochette que dans les noms des morceaux qui ont tous un lien avec ce noble animal. Mais pas dans les paroles puisque Toru est entièrement instrumental. Et les 1-2-3-4 hurlé au début du tumultueux Trotteur Orlov ne comptent pas.
C’est donc à la sueur de leurs instruments que Toru va nous embarquer dans son histoire. Une guitariste (Héloïse Francesconi), un batteur (Nicolas Bruisset) et un autre guitariste (Arthur Arsenne) qui joue aussi du tournevis pour martyriser ses cordes. Le scénario s’annonce tendu. Il va se révéler plein de rebondissements, de déchirures, de bagarres et de plaies à panser dévoilant de nombreuses minutes meurtries et d’éclaircies livides. Avec le recul nécessaire qui rend crédible l’intrigue. Toru ne galope pas tête baissée et naseaux fumants dans les méandres bruyants d’un disque qui aurait pu paraître inaudible. Le dédale des cordes électriques, la propagation des dissonances, la densité des saturations s’entrechoquant dans le fracas des rythmes ne surpassent jamais la trame émotionnelle d’une musique qui s’avère également fragile, subtile, lumineuse à l’instar de la fine et prenante mélodie qui vient conclure les douze minutes de Ma Mie.
L’aura improvisée, bruitiste et expérimentale de ce premier enregistrement s’estompe rapidement au profit de six compositions au flot contrôlé, des mouvements coordonnés et de la beauté dans la gestuelle. Toru peut te chevaucher dans les mollets, se montrer opaque, cavaler sauvagement sur des contrées hostiles et frôler le chaos. Mais le flux et reflux racontent autre chose d’infiniment plus profond. Percheron ou Rabrandt parlent d’éclats mystérieux qui tendent une joue poétique quand l’autre face est rouge écarlate. Les trépidations de la batterie font corps avec les écorchures des guitares et les désaccords de riffs libres et notes désarticulées n’oubliant jamais de se rappeler à l’harmonie des sentiments et la gravité d’une sourde déflagration. N’hésitez pas à mettre le pied à l’étrier avec Toru. L’excursion secoue mais elle est farouchement belle et réussie.

SKX (07/02/2021)