sofa
constellation


Sofa
Source Crossfire 1995-1997 – 2xLPs
Constellation records 2021

Sofa, ce n’est certainement pas le groupe le plus connu du catalogue Constellation. Et pourtant, la toute première référence du fameux label canadien est un single de Sofa, New Era Building, en 1997 et la seconde est Grey, l’unique album de Sofa la même année. Et dans Sofa, on retrouve justement le guitariste Ian Ilavsky, co-fondateur de Constellation. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Et il était sans doute bien loin de se douter alors de l’ampleur qu’allait prendre son label qu’il a fondé avec Don Wilkie. Mais cette année 97 marquait en fait la fin du groupe fondé en 1993 par Brad Todd (chant) et Keith Marchand (batterie) auquel se rajoutera Scott Clarkson à la basse. Cinq années de galères et de pur DIY qui ne verra jamais le groupe quitté Montréal sauf pour une courte tournée dans le nord-est des Etats-Unis suite à une invitation de The Geraldine Fibbers.

La vie de Sofa n’avait pas démarré sous les meilleurs auspices avec Test Tone, un premier album sur Rhizome records en 1994 qu’il vaut mieux totalement oublier. Et c’est d’ailleurs ce qu’à fait cette rétrospective Source Crossfire qui ne reprend que les années 95-97. C’est à dire les deux cassettes auto-produites, Record et Town Unsafe, publiées toutes les deux en 95 et Grey, sorti uniquement en CD (car à l’époque le vinyle, c’était mal et dépassé). Et encore, Source Crossfire n’est qu’une sélection de ces trois enregistrements. Il manque deux titres de Grey, cinq des neuf morceaux de Record et quatre des sept de Town Unsafe. Mais il en reste assez pour faire le tour de la propriété et se faire une bonne idée de quoi il retourne avec seize morceaux remastérisés et luxueusement présentés dans une pochette gatefold avec deux posters et des photos+artwork de Brad Todd, artiste au quotidien dans les arts numériques.
La propriété révèle cependant de nombreux recoins, pièges et surprises et a su évoluer dans un laps de temps relativement court avec des pièces dont l’intérêt diffère notablement. Vous avez le Sofa marqué par une forte propension à jouer au ralenti, en douceur, dans une décor feutré et sobre, sorte de slowcore narratif, mélancolique à souhait. C’est le cas du deuxième vinyle consacré aux cassettes de 95 et notamment de la face D avec trois titres extraits de Record (Radio One, So Around, Strings Of Lights) donnant dans la ballade tranquille et tristounette et dont les comparaisons avec Slint entraperçues ça et là paraissent très fortement osées vu le manque patent de tension, même sous-jacente.
Par contre la face C monte l’intensité d’un bon cran. C’est la cassette Town Unsafe (sauf pour Regret qui était sur Record) et c’est un Sofa qui retrouve du ressort, accélère le rythme, mélange les approches, devient expérimental et hybride, voir carrément plus frontal sur l’excellent City Of Laughter, titre qui nous amène directement au premier vinyle en faisant le lien avec la période la plus intéressante de Sofa, celle de l’album Grey. Sofa s’est tourné vers un noise-rock plus musclé, nerveux, inventif et là, Sofa en couche plus d’un. Passé totalement à coté de ce groupe à l’époque, il aurait certainement figuré sur une liste des meilleurs albums noise-rock de l’année, mais je ne fais jamais de liste. Le morceau Comma arrive même à me faire penser aux grandioses Table, c’est dire ! La rythmique est de feu et imaginative (Ch2chi), la guitare apporte des riffs et des textures magnétiques, c’est porté avec fougue, c’est joué noise, précis tout en gardant de l’amplitude et le chant à moitié tendu, moitié parlé comme ça se faisait souvent dans le noise-rock dans les 90’s est juste parfait. Les cinq titres de la face A se terminant par un haletant et génial Monotone sont juste bluffants. Et si la face B renoue avec une approche plus en phase avec l’esthétique des cassettes, les comparaisons avec Slint sont cette fois-ci bien moins usurpées, avec un brin de Codeine aussi et une tension plus présente allant de paire avec une beauté triste et noire qui accroche le regard. On peut regretter que Sofa n’est pas eu plus de temps pour développer son approche noise-rock qui fait des merveilles sur la face A. Mais on peut aussi être très satisfait de ce petit bout d’histoire qui méritait de revoir le jour et d’être révélé au plus grand nombre.

SKX (22/11/2021)