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The Martha’s Vineyard Ferries
Suns Out Guns Out – LP
Ernest Jenning records 2021

The Martha’s Vineyard Ferries confirme son statut de groupe fait en dilettante. Huit ans après Mass Grave, le trio américain a profité de Thanksgiving pour se réunir et mettre en boite leur troisième enregistrement d’une carrière entamée en 2010 dans une indifférence dont général est sans doute le bon qualificatif. Et le trio ne fait rien pour que ça change. Il existe pourtant du beau linge dans ce groupe avec la présence de Chris Brokaw (batterie, ex-Codeine, Come et qui a sorti cette année un nouvel album solo) et Bob Weston (basse, Shellac et surtout très occupé pour enregistrer des groupes et masteriser des tonnes de disques). Seul Elisha Wiesner (guitare) n’a pas un nom avec la même résonance que ses petits camarades de jeu.
Un groupe récréatif donc, une ambition proche de zéro et c’est ce que confirment les premières écoutes de Suns Out Guns Out. C’est mou du genou et les compos sont pas loin d’être anodines. Mais on était déjà prévenu avec leurs précédents disques. Alors on insiste mais pas trop non plus. Le charme intervient sans tarder.
Ça semble être fait sans prétention, un hommage à tout un pan de l’indie-rock des 90’s mais il faut posséder toute la science de la composition de ces vieux briscards pour étaler l’évidence avec trois fois rien, qu’il suffit d’une mélodie toute simple pour que ça devienne vite obsédant et transformer ce disque à l’apparence banale et inoffensive comme un album plus qu’attachant, une petite perle hors du temps à chérir dans son coin.
Des morceaux qui vont se casser la gueule, s’éteindre par manque de souffle, le chant qui se traîne et puis c’est rattrapé par une mélancolie qui colle aux joues et rend tout ça sobrement beau (Jail Material) ou alors par une soudaine abrasion, un coup de basse qui s’élève dans la grisaille, une accélération surprenante, une guitare qui illumine le débat par des arpèges désarmants de justesse et des mélodies, encore des mélodies qui font toute la différence. Un gros spleen qui recouvre le fond mais le trio sait mettre la pointe d’intensité quand il faut, retendre les élastiques, durcir le ton, assécher les cœurs pour mieux les submerger, voir s’énerver dans la bonne humeur (Chalk It Up To Island Time, The Know It All) ou se montrer d’une épatante concision punk-rock sur les 59 secondes de Betty Ford James. Et comme ce titre est tellement bon, The Martha’s Vineyard Ferries l’a mis deux fois sur l’album parce qu’il est bon de se faire exploser deux fois la tête (pour comprendre ce brillant trait d’humour, il faut visionner jusqu’à la fin le clip).
Trois individus sans ambition pour la destinée de leur groupe mais artistiquement, ils démontrent toute leur acuité et un instinct déroutant qui mériteraient d’être entendu plus souvent que trois fois en onze ans.

SKX (23/08/2021)