lice
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Lice
Wasteland or «What Ails Our People Is Clear» - LP
Settled Law records 2021

C’est le premier album pour Lice ou le second si It All Worked Out Great, regroupement d’enregistrements de jeunesse, est considéré comme leur véritable début, les premiers émois d’un jeune groupe de Bristol jetés à la face d’une populace à qui il en faut d’autres pour se sortir de sa vile torpeur où tout doit tomber cuit dans le bec. Mais cette fois-ci, Lice a sorti le grand jeu, mis les petits disques oranges dans les grands emballages avec livret et poster et publie ce qu’on appelle un album concept, un truc désuet parlant uniquement à ceux qui ont connu l’âge d’or du téléphone avec un fil.
J’ai pas tout compris mais cet album se nomme Wasteland, ça c’est une certitude. C’est après que ça se complique. Le sous titre est What Ails Our People Is Clear, ails étant un verbe archaïque que personne n’a entendu depuis des centaines d’années et signifiant en gros être malade. Et on pourrait même rajouter un second sous-titre écrit sur le recto du livret : The adventures of The Conveyor, Dr Coehn, and the RDC’s plot to make the human race destroy itself. Car oui, Wasteland a plus ou moins en ligne de mire l’intention de mettre fin à l’humanité. As we know it aurait rajouté REM.
Il est question également d’un objet mystérieux appelé Intonarumori. C’est en fait un hommage aux Futurists italiens au début du XXème siècle et à Luigi Russolo en particulier qui avait fabriqué ses Intonarumori, littéralement joueur de bruits en français. Lice a donc fabriqué sa propre noise-machine dont la photo et les plans se retrouvent sur les inserts. Il se murmure même que le groupe amènera une version miniature de cette machine sur scène, endroit magique où des gens se produisent, dansent, chantent, transpirent mais ça, c’est comme la fin du monde, c’est de la science-fiction.
Russolo, c’était un mec qui déclarait en 1913 dans son The Art of Noises que (je vous fais la version courte) vu les splendides révolutions industrielles ayant embellies le paysage, l’oreille humaine s’était habituée au bordel ambiant, au bruit des villes, des usines, des transports. Cette nouvelle palette sonore nécessitait donc une approche inédite des instruments et de la composition musicale. Du coup ni une ni deux, Russolo a été balancé père de la musique concrète et électronique. Et ça tombe bien parce que Lice ne joue ni l’un ni l’autre. C’est là, entre autres, que le concept m’échappe. Lice ne pratique pas le grand fracas de tôle emboutie. Point de machines bourrées de fils et de boutons. Ce qui ne l’empêche pas de brouiller les pistes, comme si c’était une seconde nature. Les formes aussi mouvantes et insaisissables que la pochette Dali-esque de Patrick Saville. Chacun y entendra/verra ce qu’il veut.
Du post-punk mais ce monde est trop étriqué pour Lice. Un groupe qui aime dérégler, expérimenter, casser le rythme, les mélodies qui piquent, les structures qui prennent la tangente et les guitares qui cinglent, écrire des morceaux qui claquent (la triplette sémillante Conveyor, Imposter, R.D.C.), se barrer dans des méandres caoutchouteux aux effluves complexes (Espontáneo) teintés de mélancolie doucement psychédélique (Serata) et étrange (Clear), aller dans des terrains instables et surprenants (le faussement dansant Persuader et Folla) ou mettre de bons coups de semonce avec Arbiter et Deluge mais là encore, ce sont des morceaux qui ne sont pas fabriqués d’un seul tenant, la fin n’ayant pas souvent de rapport avec le début.
Lice va où bon lui semble. Il désarçonne parfois, connaît des chutes de tension mais dans ce disque (tout comme le projet d’ensemble) ambitieux, il règne un charme certain, des passages de haute volée et la confirmation que Lice, parasite attachant et assez singulier au final est une valeur sur laquelle il va falloir compter.

SKX (28/03/2021)