ils
pogo
viciouscircle


Ils
Curse – LP
Pogo/Vicious Circle records 2021

C’est la précommande la plus ratée de toute l’histoire des précommandes. Elle a été faite le 29 avril 2020. Le disque est arrivé dans la boite aux lettres le 6 août 2021. Entre ces deux dates, une poisse incroyable. Mais la merde, c'est la merde. Et c'est jamais croyable.
Une sale histoire qui a commencé par du retard à l’usine de pressage. Un grand classique en ces temps troublés où presser un disque va devenir un luxe réservé aux nantis, la populace n’ayant plus qu’à se mettre sur une liste d’attente avec un délai plus long que pour une demande de HLM. Et puis quand le groupe a enfin récupéré les vinyles, la poste américaine a mis ses gros doigts sales dans les rouages de la médiocrité. Le paquet avec les quarante vinyles qui devait partir de Portland pour Pogo records, le label belge qui avait participé au pressage de l’album avec Ils, a été perdu corps et âme. Remboursement, mon cul. Plus que les yeux (injectés de sang) pour pleurer pour le groupe et le label.
Mais comme faire un label DIY est un véritable sacerdoce doublé d’une bonne dose d’inconscience, Pogo n’a pas lâché l’affaire. Avec l’aide de Vicious Circle entré dans la danse, Curse a pu être réédité en Europe et enfin débarquer dans les bacs à l’été 2021. Et, cerise sur la gâteau de la générosité, Pogo s’est mis aux travaux manuels et a rajouté un livret dix pages avec les paroles qui existera uniquement pour les quarante malheureuses personnes qui ont attendu désespérément leur beau vinyle pendant plus d’un an.

Un disque qui a du vécu. Je sais pas si ça le rend meilleur mais en tout cas, j’ai poussé le vice à ne l’écouter qu’une seule fois sur leur bandcamp à sa sortie et puis plus rien jusqu’au jour où le vinyle a enfin pu se poser sur la platine. Une pieuse attente comme si plus d’un an ne s’était pas écoulé, faire comme si c’était hier. Une chronique qui sent le réchauffé, vous connaissez certainement déjà tous ce disque mais personnellement, j’ai l’impression que Curse vient juste de sortir. Et la claque est à la hauteur de l’attente. On retrouve avec plaisir Tom Glose, le chanteur de feu Black Elk, qui inonde Curse de sa voix charismatique, lui donne ce vernis ultime qui fait basculer la musique dans une dimension supérieure, encore plus diabolique, vénéneuse, tordue, ce genre de voix au vitriol qui compte, dézingue tout sur son passage, pousse tout le monde dans ses derniers retranchements.
Ce groupe de vétérans de la scène de Portland marche à l'agressivité comme un moteur roule à l'essence, avec toutes les variétés et les fractures tournant autour. Noise-rock, hardcore, metal, punk, Ils frappe un énorme coup pour former une boule de violence éminemment abrasive, capable de sortir la bétonneuse et d’aligner de sacré parpaings ou de faire preuve d’une subtilité insoupçonnable, d’apporter un souffle flamboyant quand les démons intérieurs se calment à l’instar du titre de sortie For The Shame I Bring. Machine à riffs se consumant dans un dédale paranoïaque, rythmique de plomb à la vivacité foudroyante, titres tous plus saignants les uns que les autres et toujours cette voix exprimant toutes les douleurs du monde. Curse vous donne un sourire comme une lame de guillotine. Un des meilleurs disques de cette année sorti l’année dernière.

SKX (29/08/2021)