brame

Brame
Ce Qui Rôde... - LP
self-released 2020

Ce qui rôde, c’est l’inconnu, c’est ce qu’on ne nomme pas, ça ronge la nuit, une sensation inexpliquée qui hante constamment, les lendemains qui filent la trouille, les démons intérieurs obsédants, les bêtes grouillantes à l’extérieur n’attendant qu’une seule erreur, c’est le brouillard qui protège la proie du chasseur.
Brame, le retour. Cinq ans de silence brisé par un quatrième album, le premier en vinyle à la pochette en carton brut sérigraphié qui frotte la peau et plante le décor comme des échardes. Ce qui rôde, cette drôle de musique d’un duo quelque part en France, continuité du cri engendré par Basses Terres qui était lui-même l’écho tourmenté d’un bramement primaire commencé il y a fort longtemps et répété depuis inlassablement comme si Brame était seul au monde et que rien ne pouvait les faire dévier de cette trajectoire absolue et vitale. Une immersion qui rime avec désolation, aller toujours plus profond dans la torsion avec l’angoisse comme seul horizon.
Brame ne joue pas de la guitare, il la malaxe, lui arrache bien des malheurs qui prend le visage du blues que le duo remet une nouvelle fois sur le billot. Une interprétation personnelle avec des cailloux foulés et un tamis pour base rythmique, des tiges frottés pour enflammer les longues et lancinantes processions ardentes, des larsens pour rajouter de l’huile sur le feu, une complainte venant du fin fond d’un gosier d’une bête blessée, un harmonica pour apaiser les douleurs ou sonner le glas et ces guitares, épaisses, chaleureuses, rocailleuses, brillantes dans le noir et essentielles qui montrent la route et racontent des histoires à dormir debout et de gueules de bois monstrueuses.
Cinq titres unis comme les doigts d’une main que vous avez tout le temps de voir venir dans la tronche que Brame vous pétrit avec une lenteur assassine tout en vous obligeant à rester continuellement sur le qui vive. De longs accords glissant sur des douleurs récurrentes, un sens impitoyable du drame, des déflagrations souterraines remontant le long de la colonne vertébrale et agitant tout le squelette. Pour le faire pleurer, hurler, le laisser sidérer.
Brame peaufine à chaque sortie son art tel un noble ouvrier remettant son ouvrage jusqu’à lui trouver son éclat idéal. Et aussi sombre soit-il, l’éclat unique de Ce Qui Rôde illumine de plusieurs degrés supplémentaires la face d’un groupe rare arrivant toujours à vous surprendre malgré un procédé bien implanté et n’éprouvant aucune difficulté à vous embarquer dans leur magnétique et étrange univers.

SKX (04/01/2021)