ventura
vitesse

Ventura
Ad Matres – LP
Vitesse records 2019

Ventura, c’est le charme d’une musique intemporelle et universelle, l’assurance de se retrouver en présence d’un disque qui va tranquillement faire son bonhomme de chemin et rester à vos cotés pendant longtemps, le plaisir de voir sortir de son silence un groupe qui n’avait plus donné signe de vie depuis six ans et Ultima Necat. Un temps assez long qui n’a pas de prise sur leur musique qui reste par essence et en profondeur toujours relativement similaire d’un enregistrement à l’autre. Par contre, ce maudit temps avec qui vous ne pouvez pas lutter, qui fait ressortir les vieilles photos de famille quand vous ne pouvez plus parler avec des êtres chers, un faire-part de mariage des parents du bassiste qui s’affiche sur une pochette originalement conçue, la vie qui file entre les doigts, creuse les rides et agrandit les peines.
Et qui fait changer les batteurs. Mike Bedelek, batteur d’origine, est parti. Grégoire Quartier s’est installé à demeure sur le tabouret, lui qui fréquente déjà assidûment celui de Cortez, des compatriotes suisses avec qui Ventura avait partagé un split en 2006. Ventura tangue, doute, se soigne et le temps, le trio l’a pris pour sortir de sa matrice Ad Matres.
Une collection de chansons fidèle à leur écriture racée, puisant dans l’indie-rock-noisy 90’s de quoi s’abreuver sans faiblir tout en enrichissant la source. L’ambiance est plus que jamais ombrageuse, suinte la tristesse, la fin d’une époque. Mais Ventura ne s’en laisse pas compter. Les sentiments contradictoires s’entrechoquent au sein de morceaux d’une lenteur cafardeuse et éruptions soudaines parce que ça fait du bien de crier, il faut que ça sorte. Des morceaux aux mélodies justes et poignantes, à la touche impressionniste parfois, à la mélancolie gravement aérienne (le très beau final Nothing’s Gonna Change My Love For You (I’m Afraid)) ou douloureusement entraînant avec The Pioneer (Song For Bertrand). Des morceaux à l’intensité fébrile, aux montées d’adrénaline débouchant sur des notes d’espoir entêtantes, construits comme des pop-songs qui finissent sans cesse par dériver sur des structures plus complexes et pourtant si fluides. Et puis toujours des accroches subtiles, des sentiments revêches qui s’enfoncent dans la grisaille, une colère rentrée glissant sur de fines couches de bruits ou se fracassent sur des riffs plus frontaux, des rythmes trépidants comme une fuite en avant (The Dots Better), une douceur apparente bataillant à l’intérieur de compos incisives, à moins que ce soit le contraire.
Les titres de ce quatrième album s’imposent de leur propre évidence parce qu’ils sont simplement bons et ce n’est pas chose facile de rendre sa musique aussi naturelle et nécessaire, sans la ramener, sans en faire des tonnes, juste avec des idées claires et beaucoup de cœur. Ad Matres, c’est mourir et renaître. Ventura a tout fait merveilleusement bien.

SKX (16/01/2020)