sprain
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Sprain
As Lost Through Collision – LP
The Flenser records 2020

La collision selon Sprain s’envisage par une rencontre frontale entre le monde de maintenant masqué et recyclé et la fin d’un siècle précédent où des groupes comme Slint, A Minor Forest, Unwound et un terme comme slowcore revenaient souvent dans les discussions de ceux qui aimaient le bruit avec de belles émotions âpres dedans. La vie n’est qu’un éternel recommencement.
Sprain, un groupe de Los Angeles qui a débuté à deux entre Alex Kent (chant, guitare) et April Gerloff (basse, chant), revisitant en mode lo-fi intimiste le slowcore rugueux de Codeine en compagnie de quelques invités sur une première cassette. Changement de décor et de braquet pour le premier album As Lost Through Collision. Sprain est devenu une entité autrement consistante avec l’arrivée de Alex Simmons et Max Pretzer, rajoutant de la guitare, de la batterie et surtout du volume, de la présence et du bordel supplémentaire qui va en faire vibrer plus d’un comme au bon vieux temps.
Seulement cinq titres mais un album qui tape dans les trois quarts d’heure. Faites vous même la moyenne mais ça donne du morceau à rallonge. Qui n’est pas loin de la notion de remplissage sur les quinze minutes de Everything avec toute la seconde partie (alors que le début est réellement prenant), c’est à dire huit bonnes minutes, pendant laquelle Sprain s’amuse à donner sa version du doom, ultra répétitif et n’apportant rien à leur moulin. J’étais pas loin de penser la même chose du début de My Way Out dont le début très calme qui dure et dure encore avait un effet soporifique. Mais il prend toute sa pertinence et sa beauté sur la longueur de ces neuf minutes, le silence qu’il brise très soudainement, la puissance émotionnelle que ce titre dégage dans une fin digne d’un Spiderland ressuscité, à l’instar également des dix minutes finales de Constant Hum, positivement répétitif et subtilement évolutif.
À part ça, Sprain continue d’appliquer d’anciennes recettes avec brio pour faire passer le frisson, toujours ce satané frisson, lui donner de la jeunesse et suffisamment de force, de lumière et d’inspiration pour que As Lost Through Collision nous percute sans se perdre dans l’espace temps. Un disque qui n’est pas que sourde mélancolie et tension sous-jacente. Sprain sait frapper dur et juste, s’embarquer dans des mélodies dissonantes qu’Unwound n’aurait pas reniées (Vern Rumsey, bassiste d’Unwound très récemment décédé, figure d’ailleurs dans la liste des remerciements), des contre-pieds rythmiques, revirements de cadences, de chants en mode parlé s’époumonant brusquement, d’intensité qui s’échappe ou belles déflagrations soniques où il est aussi permis de citer Shipping News et Rodan comme sur les deux morceaux les plus courts et les plus percutants, Slant et Worship House. Alors certes, il serait facile de voir As Lost Through Collision comme une somme d’influences trop visibles mais ce disque regorge d’instants tellement magnétiques qu’il est impossible de s’en passer.

SKX (31/10/2020)