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Shifting
It Was Good – LP
Constant Disappointment / Assos’Y’Song / Permafrost /
Gabu / Whosbrain records 2020

C’est en 2017 que Shifting avait signé son acte de naissance. Un split single avec Gummidge plus quelques dates en Europe pour fêter ça, principalement en France, pays avec qui Shifting possède de solides connexions d’où un nombre conséquent de labels français sur la liste des participants.
Le trio irlandais revient trois ans plus tard avec It Was Good. Je ne sais pas ce qui était bien mais s’il fallait reprendre cette banale expression à son compte pour parler de ce disque, on serait loin de la vérité, très loin tant It Was Good est une véritable bombe. Et une bombe à déflagrations multiples avec des amplitudes très variées. C’est la valeur ajoutée de ce disque de noise-rock, ce qui en fait tout le piment et la beauté.
Il serait facile de voir It Was Good comme un album de noise-rock classique, à l’ancienne, fort de ses influences en ligne directe avec le gratin noise de Chicago, ce qu’il est aussi mais It Was Good est bien plus que ça et surtout différemment avec un traitement personnel du bruit qui en fait un objet unique et passionnant.
Il est tentant de rapprocher Shifting de Hands Up Who Wants To Die (qui ne devrait pas tarder à sortir un nouvel album). Deux membres en commun (Paul Clynes, guitare, chant) et Matt Hedigan (basse, chant), deux gars derrière la console qui sont les mêmes que pour Vega In The Lyre et qui taillent un putain de son d’enfer et une manière assez similaire de moduler l’espace et les volumes pour accentuer les reliefs et faire tout exploser à la moindre étincelle. It Was Good y va donc de ces roquettes qui déchirent tout comme Spudgasm et Voted Most Popular, le seul désavantage de ces deux morceaux étant de figurer à l’identique sur le précédent split single. Des morceaux à l’instar de quasi tous les titres de It Was Good qui sont de grands moments de sport, de combat rapproché en milieu urbain, d’une basse dantesque qui arrose tout le monde généreusement du haut de sa montagne inaccessible (satané Big Ed), d’une batterie qui met le couteau sous la gorge (Lewis Hedigan, le frangin, une sacré paire rythmique à eux deux, les réunions de famille doivent être sympas) et une guitare finement tranchante et pénétrante comme on en avait pas entendu depuis longtemps.
Mais à chaque fois qu’on pense les tenir et que le tapis rouge d’un noise-rock traditionnel va se dérouler, Shifting place des plans, des sonorités, des surprises qui font que rien ne se passe comme prévu. Jusqu’à écrire un Big Bottle proche de l’esprit minimaliste et répétitif d’un My Disco pour un titre superbement étonnant. It Was Good aime casser la dynamique, mettre des déviances dans trop d’évidences, n’hésite pas à être mélodique, se montrer mélancolique et creuser encore plus profondément la fibre sensible d’un noise-rock qui prend des chemins de travers avec subtilité. Polo Neck Dream tout en magnifique retenue tout comme Jibberish, la tension sous-jacente et graduelle des six minutes de Pig From Heaven, des arpèges lumineux de grande classe, deux chants variés qui se répondent et se complètent à merveille, des répétitions nerveuses, une guitare et une basse qui ont l’art de se fondre dans un même mouvement, enrichir une même mélodie et un sens très affirmé de la composition qui met Shifting sur l’orbite des grands groupes, des compos qui sont tout simplement et c’est déjà beaucoup à tomber.
It Was Good
, un disque de noise-rock classique et atypique du genre royalement incontournable.

SKX (09/11/2020)