reciprocate
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Reciprocate
Yeah Well – LP
Gringo records 2020

Pour faire simple, Reciprocate, ce sont les anciens Shield Your Eyes. Ce qui est plus cocasse, c’est que la paire Stef Ketteringham (chant, guitare) et Henri Grimes (batterie) a toujours été le duo autour duquel Shield Your Eyes a tourné avec de nombreux changements de bassiste au fil des six albums entre 2008 et 2014. Pour Reciprocate, qui était le nom en plus du dernier album de Shield Your Eyes, le duo anglais a enrôlé une nouvelle bassiste, la française Marion Andrau (We Wild Blood, Shjrunken Heads, Melting Hand, Underground Railroad ou The Wharves avec Dearbhla Minogue qui était la bassiste de Shield Your Eyes sur Reciprocate, le monde n’est qu’une histoire de rencontres). On ne leur en aurait donc pas voulu s’ils avaient repris le patronyme de Shield Your Eyes. Surtout que musicalement, on est loin d’être dépaysé. Il faut donc prendre ça comme un nouveau départ, surtout qu’entre temps, Stef Ketteringham a publié trois albums solo alors ok, autant remettre les compteurs à zéro.
Reciprocate se lance donc à nouveau dans le grand bain du rock’n’roll avec un disque très court (un peu plus de vingt minutes) et cinq réels morceaux, Tascam étant de l’ordre de l’interlude et de la manipulation sonore, auquel il est possible de rajouter Yeah Well part 2, bref instrumental bluesy qui semble joué à l’envers. Un disque qui sonne très spontané. Et pour cause, Yeah Well a été enregistré dans des conditions live en studio, seul Pray Tell ayant été retouché par la suite. En plus, Reciprocate n’a gardé que les compositions correspondant à leur charte, c’est à dire, écrire des compos avec une âme plutôt que de la soul music au sens classique du terme pour reprendre leurs propres termes.
Et il est vrai que ces cinq morceaux sollicitent le coeur, l’étreint, le violente, l’asticote, le comble de joie et pas seulement le coeur et son esprit mais aussi tout ce qu’il y a autour. Une musique physique qui fait vibrer les muscles, les étire, les apaise avec un batteur dont le jeu trépidant, syncopé, tendance free pourrait faire penser à Hella ou Gorge Trio avec Chad Popple à la baguette dans ses moments les plus fougueux. Le jeu du guitariste est également emprunt de beaucoup de libertés, de riffs hachurés, de cordes triturées, fracassées, de doigts qui se tordent, glissent, s’arrêtent, repartent.
Et pourtant, Yeah Well sonne étonnamment chaleureux, jamais technique. Mélodique, jamais abscons. Bouillonnant, jamais chaotique, créant parfois des contrastes saisissants entre le batteur survolté et les mélodies plus simples et lumineuses pour mieux retomber sur leurs pattes. Le jeu de la bassiste (qui a donné son nom à un morceau de Yeah Well) souple et apaisant au milieu du tourbillon, le chant émotionnel et enflammé, la caisse claire qui claque, les accords qui placent des banderilles mélodiques sont autant d’éléments supplémentaires élaborant des morceaux furieusement stimulants et portant en eux une ferveur qui va bien au-delà, des morceaux traçant un parcours sinueux, mouvementé et exalté. Un disque qui déborde et vit de tous les cotés, comme si Reciprocate avait inventé un nouveau genre, la soul noise même s’il s’agit tout simplement de rock’n’roll, catégorie incandescent. Vivement la suite.

SKX (27/05/2020)