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 massicot
 redwig
 bongojoe
 harbingersound
 
 
  
 | MassicotKratt  LP
 Bongo Joe/Harbinger Sound/Redwig records 2020
 
 Massicot ne tranche pas, il détraque. Massicot nest pas net 
        et précis, il sort du cadre. Massicot ne suit pas la ligne, il 
        linvente. Et le fait que Massicot est passé en trio avec 
        le départ de la violoniste Lea Jaecklin ne modifie pas lapproche 
        de biais du groupe suisse. Massicot continue dassembler de drôles 
        de mécaniques ludiques, poétiques, turbulentes, grinçantes 
        et piquantes. Le mode demploi nest pas fourni. Vous pénétrez 
        un monde étrange que le chant en letton accentue, des sensations 
        inédites qui démangent, interpellent et demandent de la 
        patience avant dêtre apprivoisées. Et encore, ces morceaux 
        gardent leur part de mystère, insaisissables comme un animal charmant 
        mais sauvage.
 Il est possible de noter des éléments importés dunivers 
        aperçus chez The Ex, Young Marble Giants ou The Slits, tant dans 
        les faits que dans lesprit, mais la combinaison créée 
        reste lapanage de Massicot de la part de trois musiciennes aux influences 
        quon devine tellement différentes et décalées 
        que le point de rencontre ne pouvait donner quune musique fortement 
        singulière. Sans le violon qui était plus utilisé 
        pour ses stridences et son approche bruitiste que mélodique, la 
        musique de Massicot accentue son dépouillement, voir une certaine 
        aridité, agrandit les espaces, se donne de lair et prend 
        une tournure encore plus rythmique, jusquau chant, instrument à 
        part entière qui cadence les morceaux et dont le titre douverture 
        qui répond à la seule lettre A est un bel très 
        exemple de son utilisation atypique. Et quand il disparaît, cela 
        donne Saule, un instrumental terminant la première face 
        de manière planante, un long spleen inattendu alors que tout est 
        affaire de rythmes baignant dans une aura mélodique, légère 
        et déphasée.
 Le trio crée un dialogue plein de pièges et damusements, 
        de fines égratignures et de troubles qui ne disent pas leur nom, 
        de rythmes syncopés, de dissonances subtiles, une complicité 
        communicative qui se ressent à chaque instant pour former des comptines 
        amères, bizarrement dansantes, doucement claudicantes, anguleuses 
        mais irriguées par une douceur enfantine, faussement joyeuses et 
        mélancoliques en profondeur. Kratt, un album créatif 
        et revigorant, empruntant des chemins de traverse pour mieux revenir sur 
        une voie royale.
 
 SKX (10/05/2020)
 
 
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