silverrocket

Lyssa
Bipolar – LP
Silver Rocket records 2018


Lyssa, les revenants. C’est la filière tchèque, celle du label tant apprécié Silver Rocket qui a donné les merveilleux albums de Gnu et permis la sortie du dernier E en pleine débâcle du confinement. Lyssa, neuf ans que le trio n’avait pas donné signe de vie (en fait sept mais Merde & Tracas a deux ans de retard), depuis El Clasico en 2011 et Amoral qui nous avait percuté pour la première fois en 2005. Lyssa, ce n’est pas le groupe le plus actif de la planète, sortant rarement de ses frontières et cultivant la discrétion. Ceci expliquant cela. Le retour de bâton n’en est que plus frappant. Lyssa réapparaît par la grande porte avec un Bipolar sur un courant continu (très) positif.
Le trio nous avait habitué avec un noise-rock brut de décoffrage, classiquement efficace. Il revient avec un matériau beaucoup plus ouvragé, dense, ample, contrasté, ouvrant la voie à un panel de sentiments bien plus large. La puissance est toujours entre leurs mains, elle est même décuplée grâce aux bons soins du producteur maison Ondrej Jezek (OTK) qui a parfaitement su maîtriser la fougue de Lyssa, la mettre en relief, lui donnant tout l’espace et le volume nécessaires pour apporter une nouvelle dimension à Lyssa. Un groupe qui n’hésite pas également à glisser quelques synthés, inviter un chant féminin sur Zrádce et autres menues variations et effets pour sortir d’un strict guitare-basse-batterie dont l’imposante rythmique a toujours été le fer de lance. Et c’est toujours le cas. Mais plus seulement. Avec un sens de la mélodie très tchèque qui ne s’explique pas sauf si vous avez la bonne habitude d’écouter régulièrement de la musique venant de ce coin du monde et ce chant dans la langue maternelle donnant une coloration si caractéristique pour nous étrangers, Lyssa a revu ses ambitions d’écriture à la hausse, diversifiant son jeu, élaborant des structures plus complexes sans perdre de sa fulgurance, offrant ainsi de souveraines et puissantes charges émotionnelles (El, Mecoun ou les six minutes de Zátoka avec une longue intro instrumentale), posant son discours avec plus de force et de clarté. Alors oui, ce disque a déjà deux ans, Lyssa ne parle à personne, n’est pas à la mode mais si vous avez envie d’écouter du noise-rock ne sonnant pas comme le reste du monde, casez vous une grosse tranche de Bipolar entre les oreilles, ça ne peut vous faire que du bien.

SKX (12/10/2020)