daggers
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ferdelance


Daggers
Neon Noir Erotica – LP
Throatruiner/Fer De Lance records 2020

C’est ce qui s’appelle prendre le train en marche. Neon Noir Erotica est le quatrième album de Daggers, un groupe belge dont le nom n’était jamais parvenu jusqu’ici. À notre décharge, il faut dire que Daggers est resté très discret ces dernières années puisque six ans séparent Neon Noir Erotica de It’s Not Jazz, It’s Blues. Un titre d’album cryptique car effectivement ce n’était pas jazz mais pas blues non plus au sens strict parce que de noirceur il en est fortement question.
Neon Noir Erotica
, un titre toujours aussi énigmatique mais qui sonne, ne va pas plus éclairer notre lanterne. En matière de style, Daggers aime se fondre dans la nature. Ce n’est pas punk, ce n’est pas hardcore, ce n’est pas noise-rock ou metal ou post-punk ou post ce que vous voulez. Et ce n’est toujours pas jazz. Du coup - vous le sentez gros comme une maison le gars qui va dire - Daggers en fait c’est un peu tout ça à la fois. Hé bien non, pas vraiment non plus. Daggers, c’est le genre de groupe insaisissable qui se révèle unique à la fin, louvoyant habilement entre des influences qui ne disent pas leurs noms, plus ou moins inconsciemment très certainement, pour accoucher d’un truc n’obéissant qu’à sa propre logique qui peut s’appeler aussi sensibilité.
Daggers, c’est d’abord une voix, celle de Grégory Mertz, qui a bouffé du gravier et enfumée à la Tom Waits, à mi-chemin entre le parlé et une plaie angoissée qui gronde. Installe tout de suite une ambiance particulière, grise, poisseuse, âpre. Et l’ambiance chez Daggers, c’est primordial. La musique ne fait rien d’extraordinaire avec des mélodies à tomber ou des rythmiques d’une originalité incroyable. Thierry Tönnes (guitare), Thomas Fagny (basse) et Yannick Tönnes (batterie) ne sont pas dans la démonstration, l’esbrouffe mais l’osmose de ces trois là plus le chant (qui évoluent aussi avec Cocaine Piss, The K. ou Necrodancer) forme un champ de bataille passionnant et magnétique, une humeur boueuse et pourtant férocement percutante. Une musique à la violence larvée, un malaise comme du feu qui se répand graduellement pour embraser des morceaux s’extirpant de leur densité naturelle pour dévoiler toute leur sauvage beauté sous l’épaisse couche d’aspérités.
Neon Noir Erotica s’annonce compact, chargé en haleine lourde et pourtant, chaque titre est profondément dynamique, incisif. Ce n’est pas une musique frontale, c’est plus insidieux que ça et pourtant, plus d’un titre est virulent, énervé, Daggers ne retenant pas ses coups. Chaque titre devient ainsi mémorable, déverse son lot de troubles et d’affolements, de riffs lumineux, de rythmiques sanguines et rebondissantes et de morceaux généralement assez courts mais suffisants pour dire l’essentiel, regorgant de finesses sous l’aspect abrupt. Cultural Blight, Wild Blue Yonder, Widow Maker et sa batterie affolante, Racer et ses fast cars, Dreadnaught, Loather, c’est de l’or en barre. Et puis aussi un satané Pipe Dog avec un chant plus posé et un ton plus sombrement mélodique et rock, les six minutes et quelques de Harvester finissant dans une longue effluve étrangement psychédélique et l’instrumental acoustique Eschewal pour clore l’album en douceur sont là pour rappeler que Neon Noir Erotica a plus d’une corde à son arc et aime évoluer en décalé, sur la marge, subtilement déviant et finalement assez atypique. La dague fluorescente plus proche d’un sabre laser a mis en plein coeur, l’a divinement transpercé et l’a illuminé.

SKX (07/11/2020)