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Child Abuse
Imaginary Enemy – LP
Skin Graft records 2019

Cinq années que Child Abuse n’avait pas donné de nouvelles, depuis Trouble In Paradise. Et c’est comme si rien n’avait bougé. Figé dans ce bizarre noise-rock expérimental, tordu, convulsif, à l’apparente complexité mais qui pourtant n’est pas avare en bourre-pifs et matraquages rectilignes. Et puis le chant, œuvre de Tim Dahl (basse) et Eric Lau (synthés) honteusement trafiqués, qui vaut régulièrement à Child Abuse de se voir coller l’étiquette de grindcore alors que le trio est loin du compte. Des voix spéciales qui peuvent rebuter et qui en rebutent beaucoup, amenant définitivement les new-yorkais dans une cinquième dimension remplie de tourments, de démons malicieux et de troubles comportementaux. Tout ce qu’il faut pour s’inventer un ennemie imaginaire. C’est à prendre ou à laisser.
Imaginary Enemy, quatrième album sans surprise donc et c’est là son principal défaut. L’impression d’un groupe qui tourne en rond, trop réglé dans le désordre, trop prévisible dans sa folie. Et c’était le sentiment laissé par leur concert du 26 septembre 2019 au Terminus (Rennes). Comme une dangereuse routine en marche avec une machine qui ne décolle pas, une succession de plans méchamment tarabiscotés qui n’émeuvent pas plus que ça.
Imaginary Enemy
est pourtant un bon album à l’instar de ses prédécesseurs. On retrouve tout ce qui a fait le charme et le piment d’une musique farouche, libre, intense, déstructurée avec l’aide du batteur Oran Canfield formant avec Tim Dahl une redoutable paire rythmique machiavélique sans oublier les sonorités azimutées et futuristes du synthé se télescopant comme dans un ball-trap de l’enfer dirigé par un lanceur épileptique. Un titre comme Imaginary Friend, ça remet le goût du sang dans la bouche avec un Child Abuse qui a le mord aux dents et plein d’allant. Mais le meilleur morceau se nomme Child Support. Le chant change de main. Eric Paul, l’ex-Arab On Radar qui officie désormais chez Psychic Graveyard, est invité à prendre le micro. Comme par enchantement, la compo est à son image. Subtilement décalée et perverse avec un agencement aiguisant consciencieusement les nerfs et toute la science du chant d’Eric Paul pour intensifier les démangeaisons et rompre les habituelles voix d’outre-tombe qui, après cette démonstration pertinente, n’apparaissent plus aussi fringantes mais fatigantes. Alors s’il venait à Child Abuse l’idée de l’embaucher à temps plein et aspirer à des évolutions, cela serait un indéniable atout pour amener le trio new-yorkais vers de vitaux nouveaux territoires car l’ennemi est en toi.

SKX (29/01/2020)