bulls
reptilian


Bulls
Then We Die - LP
Reptilian records 2020

L’enregistrement de Then We Die était sorti sans cérémoniel sur bandcamp en septembre 2019. En catimini comme un enfant honteux. Et il avait fortement marqué chaque personne qui avait eu le hasard de tomber dessus. Cette modeste gazette s’était émue de ne pas voir ces morceaux gravés dans le marbre, comme à chaque fois pour un enregistrement digne d’intérêt et même beaucoup plus. Reptilian records est (comme souvent) passé par là et un beau vinyle bleu vient de sortir. Que cette auguste maison soit éternellement remerciée.
Bulls, un trio originaire de Forth Worth (Texas) dont les membres traînent ensemble depuis très longtemps. Plus de vingt ans. Bulls n’est pas un taurillon. Des groupes de jeunesse dont un a vécu assez de temps pour avoir un nom (Lancaster), très peu pour une poignée de concerts dans les rades du coin et pas du tout pour des disques. Au bout de quinze années, Lancaster était mort sans jamais être véritablement né. Une vie d’adulte bien entamée plus tard, en 2014, le guitariste Jeff Schlueter et le batteur Ricky Del Toro (aucun corrélation avec le nom du groupe) ont décidé de remettre ça mais avec la ferme intention cette fois-ci de concrétiser leurs efforts au-delà de leur local de répétition. Le duo a récupéré son ancien bassiste Dylan Holt. Bulls était paré pour le combat et il va tout défoncer.
Alex Bhore, batteur sur quelques disques de This Will Destroy You et surtout producteur ayant fait ses armes avec John Congleton, a pris le groupe en main et offert à Bulls un écrin sur mesure pour que leur noise-rock trouve la profondeur et l’impact nécessaire qui font les disques qui comptent. Ce n’est pas que Then We Die chamboule l’ordre établi mais il émane de ce disque une évidence qui frappe d’emblée, en une poignée de secondes, une séduction instantanée issue de morceaux à la fois violent et mélodique, une addiction qui n’est pas prête de s’arrêter.
Une base noise et rock façon Buildings, Young Widows (du début) et autres cadors du genre mais avec un angle également différent que leur passé à écouter des groupes comme Slint ou Rodan fait ressurgir. Ce groupe dont la particularité est que le batteur est aussi le chanteur insuffle un vent de mélancolie qui finit de vous soulever/achever, une sourde tension pour tempérer leur ardeur naturelle, dynamiter la dynamique sans la casser mais pour la rendre encore plus opérationnelle. Un trio qui explose tout sur des morceaux courts, intenses et qui répondent à des titres comme Seismic (tout sauf un hasard), Strapped avec plein de motherfuckers dedans ou Calico. Mais, Then We Die, c’est aussi Hart à qui il manque un e parce que ce morceau possède beaucoup de cœur, des morceaux qui jettent un voile pudique sur l’agressivité, dont les éruptions n’en sont que plus belles, des morceaux hantés comme Cartel et AZ où Bulls arrête de foncer comme un jeune chien fou afin de vous perforer en finesse pour faire couler un liquide noir et émouvant. Dix morceaux aussi limpides que incroyablement agencés, qui respirent et coupent le souffle. Then We Die, un jour, ça c’est sûr mais un peu moins con avec ce superbe disque.

SKX (06/04/2020)