beret
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Béret
Jesus White – LP
Born Yesterday records 2019

Le label de Chicago Born Yesterday continue ses publications singulières. Chaque sortie éveille désormais la curiosité, l’assurance de découvrir un groupe qui débarque de nulle part en jouant sa propre partition. Des fois, ça marche parfaitement bien (Landowner, Drool, Stuck), à d’autres occasions, on passe notre tour (Cafe Racer, Glued, Bleu Nuit) mais il se passe à chaque fois quelque chose.
Le nouvel arrivant se nomme Béret, ne vient pas de France pour apporter une touche d’exotisme au catalogue de Born Yesterday mais de Seatlle. Et sous le béret se cache le projet d’un seul personnage qui répond au nom de Ian Kurtis Crist. Oui, rien que ça. Et il a appelé son troisième album Jesus White, le premier en vinyle après deux en cassette, Popularized Architectural Movement en 2016 et Emmenagogue Hotel (Selfish Place Of Pain) en 2018. Bref, de quoi intriguer.
Et effectivement, la musique de Béret diffuse un parfum étrange et personnel. Jesus White est réduit à sa plus simple expression mais n’est pas dénué de tension. La plupart des neuf morceaux se contentent d’une guitare, d’une basse et du chant. Seul Relapse avec une batterie et un semblant de percussions sur Book Of Hera sont plus étoffés sans perdre le caractère intimiste de Béret, ainsi que Beauty In Perversion et un sax joué par Gabriella Page-Fort alors que tout le reste, du sol au plafond, de l’écriture à l’enregistrement est l’œuvre de Ian Kurtis Crist.
Un gars qui possède déjà une certaine expérience et n’est pas un nouveau venu. Il a connu les affres d’un bruit bien plus abrasif au sein des excellents Health Problems mais aussi dans d’autres projets solo comme le très punk-noise et excellent Bosnia qui sonne comme un groupe à part entière et le projet noise plus radical Bat. Mais Béret est définitivement une entreprise différente.
La mélodie est centrale. Le dépouillement un maître-mot. Entre un post-punk minimaliste et une version épurée du Velvet Underground. Un malaise s’installant dans la beauté d’arpèges cristallins (White Hole), dans la tristesse de guitares vaporeuses, d’une mélodie ténue mais prenante, dans le squelette de structures fragiles mais coupantes comme des rasoirs, dans un psychédélisme traînant, décharné et noisy (le spectral Solace) ou lorgnant vers un territoire sobrement pop et plus léger (Fade Out The World). Le chant où chaque mot résonne, chaque syllabe est distincte, détachée, appuyée, murmurée prend une part importante dans la genèse de Béret et agit sur ces atmosphères troublantes. La basse est également prépondérante. Plus ronde, comme un groove lancinant, bizarrement entraînante et lumineuse, soulignant par un effet de miroir le reflet de la noirceur ambiante suintant de Jesus White.
Neuf compos au caractère affirmé, ne souffrant jamais de cette nudité apparente et vibrant d’une pulsation unique grâce à une écriture acérée et inspirée. Chapeau l’artiste.

SKX (20/04/2020)