princessthailand





Princess Thailand
s/t LP
Primary records 2018

Princess Thailand vient de Toulouse. L’exotisme à ta porte. Le royaume de Siam n’a pourtant pas débarqué sur les bords de la Garonne. Il est question de rock, de bruit occidental, de décibels tapageurs, de saturations blanches, d’électricité noire. Ce qui ne va pas empêcher cette musique de t’emmener très loin.
Princess Thailand, six musiciens. Guitare fois deux, basse, batterie, chant féminin et ce qui pourrait sonner comme une incongruité dans le paysage, à savoir une flûte. Un instrument pas omniprésent sur les six morceaux de ce premier album où on va pouvoir reparler d’exotisme mais dans le sens originalité, dans ce mélange de rock et de sonorités plus inattendues qui viennent casser les carcans, renforçant ainsi la puissance évocatrice de Princess Thailand dont l’univers sonore a le pouvoir de rappeler L’Enfance Rouge. Ce ne sont pourtant pas les mêmes armes. Une histoire de filiation, une approche, un esprit jusqu’au boutiste, une intransigeance, une force hypnotisante et une musique qui va bien au-delà des frontières, autant physiques que musicales.
Princess Thailand a de la cuisse, une personnalité affirmée, un groupe sûr de ses choix et qui fonce droit. Un enregistrement live en studio pour accroître la spontanéité du propos, ne pas chercher à faire trop beau, trop riche, ne rien réarranger derrière, souligner le caractère rock de l’entreprise et son urgence car avec ces compositions longues et mouvementées, il aurait été tentant d’en faire trop, s’y noyer alors que tout glisse naturellement.
Les contrastes sont nombreux, la tension continue, le chant incantatoire et énergique, les montées sont en apnée, les cassures saisissantes (comme l’intervention mélodique de la flûte sur Give It Up alors que le fracas s’annonçait brutal), les explosions récurrentes, mais le tout dans une fluidité innée, un équilibre aérien. Princess Thailand possède des articulations souples et déliées, suit un cours aussi tortueux que mystérieusement limpide. Touche profondément la corde sensible sur l’émouvant Ann’ay avec sa flûte et les cordes noisy et brumeuses des deux guitares qui vous font décoller dans les limbes d’une sombre rêverie, le chant figurant un langage inconnu et sa rythmique aussi martelante qu’entraînante. S’enlace pendant Snake sur des chemins dont l’intensité va crescendo sans jamais vraiment se lâcher. Sur I Can See, c’est le post-punk virulent des Anglaises de Savages qui s’invite alors que les douze minutes finales de Drone Under auraient sans doute méritées d’être écourtées. Mais l’incantation répétitive et quasi chamanique qui précédait avait eu le temps de nous posséder.
Princess Thailand, un charme puissant et subtil, un caractère bien trempé, des compositions captivantes qui enflamme l’imaginaire, c’est le bonheur à ta porte.

SKX (20/03/2019)