inmybed

Thomas Le Corre
Finished – LP
In My Bed records 2019

Où il ne va pas être question de bruit distordu, de saturation et de frénésie débordante mais d’acoustique, d’intimité et d’introspection. Thomas Le Corre, un des deux guitaristes de Moller-Plesset, dans l’exercice solitaire. Mais point d’électricité, de physique quantique ou de perturbation de la théorie. Je ne vais pas me lancer dans des comparaisons risquées avec des guitaristes qui ont marqué l’histoire - moderne ou ancienne, classique ou estampillée rock - de l’instrument parce que déjà, il n’a pas besoin de ça pour exister de lui-même et surtout, je n’y connais pas grand-chose. Il suffit simplement de se laisser porter, se débarrasser du fardeau quotidien, s’abandonner. Pas de circonvolution barbare, de superflu, de technique impénétrable. Encore moins de pédales d’effets, de boucles pour faire tourner plusieurs mélodies en même temps. Juste ses guitares acoustiques, ses dix doigts et toute sa sensibilité.
Douze morceaux qui ont pris tout leur temps pour mûrir (ce qui a ironiquement donné le titre de l'album), cinq années pour enfin les fixer sur un beau vinyle soigneusement et sobrement publié par In My Bed, ce qui est presque irrationnel devant le caractère impressionniste et mouvant de ces compositions. Les doigts volent sur le manche, ralentissent, soupèsent, se mettent dans des positions à faire pâlir la fédération des kinésithérapeutes ou se posent, tout simplement, aériens, subtils, harmonieux et de couleur or. Mais une dextérité qui ne s’étale pas, une agilité dont on ressent avant tout la fragilité, des failles vibrantes, autant de portes ouvertes pour une lecture personnelle. Attendre que le vent te pousse.
Le pouce sur la corde grave, l’ongle long et élégant qui pince, on entend, on voit à travers les sillons les accords qui accrochent, le bout des doigts qui frottent, un rendu très naturel dans la chapelle du Conservatoire de Rennes pour une prise de son impeccable de Thomas Poli.
Une virtuosité au service de magnifiques compos qui cavalcadent avec de faux airs d’espagnolades intemporelles (les superbes The Ascent et Long), arrivent à offrir des moments incroyables de force émotionnelle avec une désarmante simplicité (les dix autres titres), effleurent la mélancolie, suggèrent la tristesse sans jérémiade, évoluent dans une atmosphère recueillie, dépouillée ou plus nerveuse et tissent à chaque instant des mélodies limpides et belles, qui glissent, pénètrent dans la chair, envoûtent et s’envolent. Loin.
Un type, une guitare acoustique. Il a rarement été fait aussi touchant. Et devrait être à même de remuer n’importe quelle personne pourvue d’un minimum de cœur quelle que soit sa mouvance musicale. Sublime.

SKX (02/07/2019)