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Jars

P.O.G.O./They Live!/’59SRS/Potato/Nios/Unlock Yourself records 2019

L’enregistrement n’est pas inconnu. Il circule sur le net et depuis le bandcamp du groupe depuis un an. Un album voué aux gémonies du monde virtuel. Heureusement, grâce à cinq labels russes et un français (P.O.G.O. records), l’album dont je ne saurais prononcé le nom du trio russe Jars a vu la lumière du jour. Uniquement 150 exemplaires mais c’est déjà ça de pris. Ce qui fait le premier disque de Jars à sortir en vinyle après plusieurs cassettes qui n’ont jamais franchi les frontières russes.
Ce n’est donc pas avec ce disque que Jars va inonder le monde de sa bonne parole et répandre sa fantastique musique aux quatre coins du globe mais franchement et selon la formule archi rabattue, si ce groupe venait d’un endroit de la terre, genre vers l’occident où ça parle anglais, ce groupe ne serait pas loin d’être sur toutes les lèvres. Dans les sphères du noise-rock en tout cas. Suivant un axe Jesus Lizard/Unsane/Ken Mode, Jars a parfaitement su remodeler ce lourd héritage à sa sauce. Arrosé avec une bonne dose de vodka par-dessus tout ça, servi chaud et flambé avec passion.
Parce que non seulement Jars maîtrise les codes du genre mais il rajoute une belle bouffée de folie à l’instar des quatorze minutes finales de Any Resemblance Is Coincidental (je vous donne la traduction en anglais qui figure au dos de la pochette parce que le russe et le clavier azerty ne sont pas amis). Un morceau grand comme la Sibérie mais avec les températures du Sahara. Une grosse montée de chaleur, intense dans le moindre recoin, flamboyante, un chanteur qui finit par perdre la raison et terminant dans une longue complainte d’un saxophone couinant à la mort, des larsens qui appellent à l’émeute et de grandes baffes de batterie. Et comme pour débuter, les neuf minutes de E vous tendent la main pour mieux vous la mettre dans la tronche, sans round d’observation, dans de longues mesures répétitives foutrement appuyées qui vont peu à peu se diluer dans une sorte de blues-noise crapuleux secoué à intervalles réguliers, on se dit que Jars n’est pas non plus le groupe noise-rock lambda et qu’il a bien d’autre chose à faire que de copier les cousins américains.
Entre ces deux belles bêtes charismatiques, Jars aura asséné des titres plus concis qui filent vent dans le dos, urgents, toujours aussi accrocheurs, violents, sans concession. Le bassiste Vladimir Veselic a dû beaucoup écouter David Wm. Sims (mais qui ne l’a pas écouté ?) mais qu’importe, Jars a le sens de la composition enlevée, habilement articulée et écrit une poignée de morceaux rentrant dans le lard tout en le découpant en fines lamelles. Les arpèges sont diaboliquement tranchants et non dénués d’une aura mélodique. La voix mime la démence avec des mots en russe rajoutant du piment, de la dureté et un fond de gorge trempant dans la fumée charbonneuse. Des titres comme Catbus ou A Moveable Feast, j’en veux bien à tous les petits déjeuners. Et comme l’enregistrement sonne d’enfer, cet album devient un incontournable, une vraie bonne claque. Et n’hésitez pas à écouter leurs autres enregistrements, Jars -dont le seul membre continu et tête pensante est le guitariste-chanteur Anton Obrazeena - pratique la qualité depuis 2011.

SKX (02/04/2019)