haystack
threeman


Haystack
The Sacrifice – LP
Threeman records 2019

Haystack, revenu d’entre les morts, heureusement bien plus en forme que les trois squelettes ornant l’intérieur de la pochette gatefold. Pied de nez à l’éternité, c’est un retour surprise après vingt et un an de silence. D’autant surprenant qu’à l’époque, Haystack était complètement passé inaperçu. Strictement personne ne les attendait en 2019. Ce retour est donc encore meilleur. Surtout pour ceux qui savent. Et qui vous emmerdent. Slave Me en 1998. Right At You en 96, bien mieux que dans mon souvenir et très loin d’être aussi inférieur que ce qui avait été écrit ici. Deux albums qui ont fortement marqué les personnes qui ont eu la chance ou le hasard de croiser leur route. Deux albums fortement ancrés dans le noise-rock des années 90 et par un groupe en particulier, Unsane. A l’origine de Haystack, Ulf Cederlund, guitariste d’Entombed qui déclarait sa flamme au noise-rock et ne cachait pas son amour pour le trio new-yorkais. C’était plus qu’une copie, c’était une inspiration géniale, une influence transcendée, magnétique et qui dans ses meilleurs moments qui étaient nombreux, explosait tout sur son passage, Unsane compris. Mais en 98, personne n’en a voulu. Un secret trop bien gardé, des disques sortis sous le manteau, pas de concert en dehors de leur Suède natale, pas de distribution, rien, nada, le donjon pour punition.
Mais la réhabilitation est en route et la vengeance va être terrible. Haystack ne reprend pourtant pas tout à fait les affaires là où il avait laissé le peuple ignare qui ne connaissait pas son malheur de n’avoir jamais entendu sa bonne parole. Et le changement de bassiste n’y est pour rien. Si Haystack doit toujours pas mal à Unsane, le trio a également pris ses distances avec le groupe désormais défunt (mais qui reviendra aussi sûrement d’entre les morts comme tout le monde). Le phrasé de guitare, l’ambiance poisseuse et urbaine, le rythme lourd n’hésitant pas à ralentir pour être encore plus pénétrant et douloureux, la basse volumineuse qui affermit les chairs. Unsane rôde fiévreusement dans les parages. Des titres comme The Sacrifice, l’hyper efficace Alone confirmant qu’un seul riff et un seul rythme assénés avec passion et vigueur suffisent pour faire naître des titres obsédants, Knowing qui lui basculerait plutôt vers le Cherubs de la grande époque ou la magistrale reprise de Dead Can Dance (Mesmerism) totalement envoûtante prouvent que Haystack n’a pas perdu le feu sacré et que le trio possède à tout jamais les Tables de la Loi selon Unsane sans que jamais cela sonne comme du plagiat. Un miracle.
Mais le Haystack 2.0, c’est aussi plus de mélodies. Dans le chant qui postillonne beaucoup moins que celui de Chris Spencer, ne rechignant pas à être audible et plus posé. Dans la guitare comme sur Falling Through qui pourrait presque passer pour du Leatherface si de grands coups de basse ne venaient pas rappeler à l’ordre ou Nut, ballade puissamment mélancolique et ses arpèges poignants pour un rendu final pas si éloigné de Godflesh (la basse, toujours) reprenant du Jesu alors que Enveloped In Darkness est le seul morceau bancal de l’album avec sa tirade à la guitare épique qui fait fortement tiquer.
Haystack diversifie les angles d’attaque, élargit son horizon d’influences, possède un son moins sale et abrasif mais gagne en force de pénétration avec un son plus clair et plus puissant que jamais, la section rythmique faisant d’incroyables ravages. Haystack ne rend pas seulement hommage à Unsane. C’est tout un pan du noise-rock qu’il revisite avec bonheur et c’est surtout un groupe qui fini par trouver sa raison d’être par la seule force de ses compos et un album alignant des morceaux qui rendent tout simplement accro. The Sacrifice en pleine lumière. Et surtout, n’oubliez pas d’éclairer également les deux albums du siècle dernier.

SKX (20/11/2019)