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Enablers
Zones – LP
Exile On Mainstream/Lancashire & Somerset/Broken Clover records 2019

Enablers n’avait pas donné de nouvelles discographiques depuis quatre ans et le mitigé The Rightful Pivot. Un expérimental Pigeon Diaries de dix-sept-minutes exclusivement numériques avait tout de même donné des signes de vie l’année dernière. Et donné un début d’explication sur le relatif silence du groupe. Quatre membres éparpillés entre la cote est (New-York), la cote ouest (Oakland) et le vieux continent (Marseille) pour le guitariste Joe Goldring. C’est d’ailleurs dans les Bouches-du-Rhône avec Nicolas Dick (Kill The Thrill) que Zones a été (en partie) enregistré.
Des paramètres ne changeant pas fondamentalement la musique d’Enablers. Quinze ans que les Américains sont dans le circuit. Le danger serait de ne plus faire attention à eux, les croire partie intégrante du paysage à toujours bricoler autour de leur recette identique alors que la musique d’Enablers, c’est quand même une sacré offrande, un moment privilégié. Enablers n’est toujours pas tape à l’oeil, ne surfe sur aucune tendance, fait son truc dans son coin, une approche unique avec une infinie classe et une vibration poétique autant pour la musique que les paroles de Pete Simonelli. De plus, le sixième album Zones voit Enablers retrouver un allant et une intensité en berne sur le précédent disque. Sans se départir de son élégance naturelle et de son blues hybride et narratif, Zones envoie plus d’un fois les compteurs dans le rouge de la tension. Batteur abandonnant le touché jazzy pour cogner à pleine puissance. Les deux guitares troquant le travail de dentellières pour s’embraser, cisailler, sculpter le bordel. Et le chant, fiévreux, emporté, charismatique quand le flot des mots ne peut plus supporter d’être calmement conté. Zones affiche un taux de répartition judicieux entre les incitations à la pesanteur et les ruades noisy et fougueuses. Avec un net penchant pour la dernière orientation. Zones compte un paquet de morceaux ou passages qui font trembler les enceintes. Cha Cha Cha, Squint, B. Bill In Consideration ou In McCullin’s Photograph avec sa batterie trépidante entre deux montées d’adrénaline, ce sont des titres qui envoient, du Enablers comme on aime, inspiré dans les mélodies et les constructions flirtant autant avec le tumulte qu’une sourde et violente mélancolie. Enablers a franchement repris du poil de la bête. Et comme c’est fait avec une maîtrise et une science de l’agencement parfaite, les huit premiers morceaux ne perdant pas de temps en route de Zones sont tout bonnement parmi ce que le groupe originaire de San Francisco a réalisé de plus prenant de sa riche discographie. Et le neuvième et dernier titre, celui qui a donné son nom à l’album et qui dépareille dans le lot avec ses onze minutes, ne vient pas gâcher le plaisir malgré des longueurs bruitistes parce que la première moitié est tout aussi enlevée que le reste de l’album et âprement belle. Enablers, un groupe définitivement important.

SKX (10/12/2019)