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Will Haven
Muerte – 2xLPs
Minus Head records 2018

Will Haven, c'est une vieille histoire qui reprend son cours. Pas simplement parce que ce groupe existe depuis 1995 mais je n'avais jamais réécouté Will Haven depuis leur premier album El Diablo en 1997 dont j'ai ressorti le CD (poussiéreux) des étagères pour l'occasion. J'avais bien écouté quelques morceaux du cinquième album Voir Dire en 2011 en me disant que c'était vraiment pas mal mais allez savoir pourquoi, je n'avais pas poussé plus loin. Un défaut de curiosité coupable. Alors quand Muerte a surgi par hasard dans des enceintes, je n'ai cette fois-ci pas passer mon tour parce que ce que j'ai entendu était franchement bon. Je serais bien en peine de vous dire si c'est le meilleur album de leur riche discographie, eux qui n'avait pas donné signe de vie depuis 2011 (nonobstant le EP Open The Mind To Discomfort en 2015). Les repères me manquent mais qu'importe, Muerte s'apprécie même si vous avez raté de nombreux épisodes, même si vous les découvrez aujourd'hui car Muerte frappe à la porte et il ne faut pas la faire attendre. La Mort se prend telle quelle. En or et en noir. Comme les mains sur cette pochette de la lumière à la pénombre, de la vie au trépas. Ou alors c'est un hommage à Benetton mais j'en suis beaucoup moins sûr.

Deux vinyles tournant en 45 tours pour narrer un genre musical auquel le groupe de Sacramento redonne un coup de jeune. Issu de la scène hardcore aux cotés de leurs potes de Deftones (dont le guitariste Stephen Carpenter est invité sur le dernier titre El Sol) et à la grande époque de Revelation records avec Deadguy ou Kiss It Goddbye, Will Haven symbolisait ce croisement de noise, de metalcore et d'hardcore, un mélange dont les lettres de noblesse sont lointaines. Mais Will Haven, c'est la version sombre et torturé, celle qui ne les amènera jamais sur le devant de la scène. Avec le bien nommé Muerte, Will Haven montre qu'il est encore possible de se montrer pertinent avec ce style archi rebattu.
Les chemins de Muerte sont parsemés d'un désespoir féroce, de parpaings construits à coup de riffs massifs qui illuminent la nuit et d'une intensité incessante qui oppresse et soulage en même temps. Et au rayon de la pression que Will Haven vous impose, le chant de Grady Avenell est une pièce prépondérante. Un maître-hurleur dont les cordes vocales prennent feu sur chaque mot, une abrasion naturelle insufflant une rage devenant ainsi très communicative, un grain inimitable qui embrase toutes les compositions.
Muerte regorge de titres incisifs, une approche carrée, directe, sans complexité pour garder un impact maximum. Seul le morceau avec l'invité au chant Mike Scheidt (Yob) gâche le plaisir. Son numéro de diva heavy-metal est à pleurer et on se demande bien ce qu'il fout là. Le titre est No Escape et l'unique sortie est de le zapper cordialement. Tout le reste est boule de nerfs, torgnoles mémorables et groove d'enfer, renvoie parfois à Neurosis ou Botch, bref c'est du lourd.
Mais ce qui fait que Muerte possède une touche personnelle et plus régénérant, c'est l'utilisation d'un synthé. Un funeste synthé qui glace l'ambiance tout en amenant de la hauteur et de l'espace. Ça l'air tout con cette bête là et pas franchement original mais dans les mains de Will Haven (en l’occurrence celles du guitariste Jeff Irwin) et dans ce genre de musique hyper dense, ça éclaire le propos et donne une dimension inédite qui fait toute la différence. La Muerte devient belle. Divinement tragique. Cruellement épique. Et redonne vie à un groupe dont je n'attendais strictement rien. Très belle surprise.

SKX (17/09/2018)