ultrakelvin
qui
macina
antenakrzyku


Ultrakelvin/Qui
Split LP
Macina Dischi/Antena Krzyku records 2017

Si vous êtes atteints de coulrophobie, la pochette de Andrea Mozzato/Officina Infernale va vous faire fuir. Elle est pourtant magnifiquement cauchemardesque, finement taillée et élaborée avec de belles photos noir et blanc des deux groupes en supplément, sérigraphiée et un vinyle tacheté. C'est toujours le cas avec les productions du label italien Macina Dischi (aidé par les Polonais de Antena Krzyku), maison passée maître dans le disque drôlement chiadé.
De clowns, il va en être encore question avec les américains de Qui. Le duo de Los Angeles avait surtout fait parler de lui en 2007 avec l'album Love's Miracle qui les voyait collaborer avec le grand clown aux plus belles heures de Jesus Lizard, David Yow himself. Depuis, je croyais que le groupe errait dans le désert mais non, il a publié une pelleté de disques. C'est juste que je m'en tapais royalement. Et ça risque de continuer à l'écoute de Fuck Outer Space, seul et très long morceau de vingt-deux minutes découpé en cinq actes. Mais il pourrait être découpé en deux ou trente-huit parties, ça ne changerait pas, j'y comprends rien. Des sonorités venant d'un sous-marin échoué par 1000 mètres de fond, le sonar émet en boucle, le chant d'une sirène transgenre, toujours ce putain de sonar qui émet, la science ne fait pas que des miracles. Des claviers d'un autre âge qui débarquent des années 70, le krautrock dans un cadre spatio-temporel tombant en lambeaux et sans vie. Et puis Qui passe du coq à l'âne, triture les samples d'une conversation d'humains décérébrés tout en appuyant au hasard sur des touches, met le lave-vaisselle en marche en criant dessus et termine ce laborieux voyage par une mélodie de piano triste, décharné et des chants qu'on souhaite à personne. Qui plane haut, très haut. Ce sont des génies ou des branleurs. En ce qui me concerne, le choix est fait.

Le duo italien Kelvin n'a pas donné signe de vie depuis 2010 et un split avec Speedy Peones. Depuis, un troisième membre est arrivé aux claviers/voix en plus de Woolter (guitare/chant) et Anna à la batterie, il répond au doux nom de Panda et jouait déjà avec Woolter sur le premier album de Putiferio. Du coup, Kelvin est devenu Ultrakelvin. Ce qui ne signifie pas deux fois plus de bordel car le duo évoluait déjà à un beau niveau de nuisances. Par contre, plus étrange et personnel, oui sans doute. Kelvin a toujours été adepte d'un noise-rock décapant et foutraque. En version trio, les fulgurances d'Ultrakelvin prennent de la consistance et des virages insoupçonnés. Ça peut être très bref et intense, quatre titres tapant sous les deux minutes. Ça peut être très long, Ham Slam! allant vadrouiller au-delà des neuf minutes. Et Hellzabomber pilonne entre les deux. Mais quel que soit la taille, les six morceaux cherchent la confrontation avec vos tympans. Les claviers (qui étaient déjà présent en mode duo) sont plus présents, amènent des bizarreries, perturbent l'ordre établi, s'intègrent de façon plus judicieuse dans le fatras des rythmes. Les deux chants mâles généralement en chœur ajoutent une couche de tonnerre grondant sur des vallées de dissonances. A part un long passage sur Ham Slam! où ça triture et ça friture plus que ça tabasse, la face Ultrakelvin est une belle leçon de noise concassée, spontanée, urgente et expérimentale sur les bords.

SKX (14/12/2017)