theterminals
badabing


The Terminals
Antiseptic – LP
Ba Da Bing! Records 2017

Un fantôme ressurgit du passé à une époque où c'était déjà un mirage. The Terminals, un groupe néo-zélandais dont l'existence jusqu'au nom m'était totalement sorti de la tête. A tel point que leur retour en 2007 avec Last Days Of The Sun était passé inaperçu. Leur premier disque remonte à 1988. Le EP Disconnect sur l'incontournable Flying Nun records. Et pour déconnecter, nous sommes déconnectés. Quatre albums ont été discrètement publiés ensuite (Uncoffined en 1990, Touch en 92, Little Things en 95*) avant un premier retour donc en 2007, une nouvelle disparition des écrans radars et un second retour en 2017 que je me prends en pleine tête. The Terminals vous file un sale coup de vieux mais Antiseptic vous file pourtant un sacré coup de fouet.

Ce groupe dont l'âge et l'historique des membres dans la scène néo-zélandaise peuvent leur valoir le qualificatif de cultissime (Bruce Russell, le boss d'Xpressway, label prépondérant de Nouvelle-Zélande mais pas aussi connu que Flying Nun, parle de meilleur groupe de rock dans cette partie du monde) n'a pas beaucoup bougé depuis ses origines. Stephen Cogle (chant, guitare) et Peter Stapleton (batterie et qui a la particularité d'écrire les paroles) sont deux personnages centraux avec le bassiste John Chrisstoffels et Mick Elborado (orgue, synthé). The Terminals a cependant vu le départ pour Antiseptic de son guitariste Brian Cook, remplacé par Nicole Moffatt, non pour reprendre la guitare comme lui mais pour jouer du violon (et chanter), renforçant ainsi plus que jamais la comparaison avec le Velvet Underground, influence déclarée de The Terminals (et de la scène néo-zélandaise dans son ensemble de toute façon !).

Bref, tout ça pour vous planter le décor car en fait, nul besoin de connaître la genèse de The Terminals pour apprécier à sa juste valeur Antiseptic. Cet album tient là, tout seul debout, comme si le groupe n'avait jamais rien fait, comme un objet débarqué de nulle part, mouvant dans un halo mystérieux et onirique. Antiseptic ne nettoie pas, il purifie de l'intérieur. Huit belles compositions hantées, baignant dans un psychédélisme broussailleux, évoluant avec classe comme dans une quatrième dimension, irréelles, profondément sombres et crépitantes. Le chant de Stephen Cogle reconnaissable entre mille, voix de ténor cassée par la vie, vous sort de terre, vous enveloppe, trouvant désormais dans le chant féminin de Moffatt un contre-poids qui file la chair de poule. Le violon et l'orgue se marient aussi, se tordent dans des sonorités plus stridentes que mélodiques. Et c'est quand le morceau vous plonge au plus bas dans les méandres crasse de la mélancolie que The Terminals vous récupère et laisse entrevoir la lumière. Le sublime Edge Of The Night, Runaway Train pour ne plus revenir, les huit minutes de Rain Has Come And Gone, To Be Lost qui donne au désespoir ces lettres de noblesse, ce sont des fêlures que vous caressez, du déchirant qui fait serrer le poing plutôt que couler la larme, des putains de ballades incroyables qui ne s'apitoient pas sur un chemin douloureux mais vachement beau. Chaque morceau creuse ou s'envole, c'est pareil, auréole bruitiste flottant dans l'air, mélodies de la mort qui vous assiègent, répétitions galvanisantes et cet air si particulier et unique que seuls les groupes néo-zélandais arrivent à transmettre, ce brin d'étrange qui perdure au gré des décennies et de groupes toujours aussi singuliers. The Terminals, un secret trop bien gardé qu'il est grand temps de découvrir et à qui il est urgent de rendre hommage, un groupe qui n'a jamais perdu la flamme ni la foi, signant un album qui ne fera toujours pas hélas de vague, faut pas se leurrer mais qui vous accompagnera à jamais.

SKX (22/11/2017)
* Un live en 97 ainsi que deux compilations sont également sortis : Cul-De-Sac en 92 qui reprend Uncoffined et Disconnect et Singles & Sundries en 2014 qui regroupe tous les singles de The Terminals.