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Terminal Cheesecake
Dandelion Sauce Of The Ancients – LP
Box records 2016

Terminal Cheesecake avait honoré de sa présence les 20 ans de KFuel en octobre 2014. L'asso rennaise avait débuté en 1994, soit exactement l'année où Terminal Cheesecake avait mis fin à toutes ses activités. Moi j'dis, le hasard n'est pas de ce monde. Mais quand même. Les forces célestes étant insondables, il était impossible de se dire en 94 qu'un jour, un modeste samedi 4 octobre 2014, les Anglais allaient être là, devant vous, en chair et en os, pour pouiller la scène du Jardin Moderne comme si rien ne s'était passé entre temps, dans une fin de soirée hautement psychédélique, acide et improbable. Et encore plus insensé, à 5h du matin, se retrouver à ramener sous trip dans sa grande voiture ces solides gaillards sur leur lieu de couchage. C'était toucher enfin du bout des doigts la quadrature du cercle, mettre le petit Jésus dans la crèche. Terminal Cheesecake est plus fort que toi. Et c'est ce qui se disait déjà au crépuscule des années 80. Ce groupe n'avait pas d'équivalent. Et il n'en a toujours pas. En six albums et plusieurs formats courts, Terminal Cheesecake avait repeint le mur du son de l'Angleterre. Mais personne n'avait compris. Sauf une poignée de malades et John Peel. Alors si vous voulez faire connaissance avec cette bande d'allumés, allez lire cette interview du guitariste Russ Smith parce qu'on va pas se coltiner toute l'histoire de ce groupe, ya un nouveau disque à chroniquer.

Chronologiquement, le retour s'était effectué en 2014 avec le double-vinyle live Cheese Brain Fondue (en concert à l'Embobineuse, Marseille) sur le label texan Artificial Head. Plein de vieux titres y figurent comme Bladdersack, Lazy Hard On, Johnny Town-Mouse, Valium Chicken Leg, Blow Hound et Herbal Space Light. Soit à peu près représentées toutes les périodes de l'âge d'or de Terminal Cheesecake. Mais avec ce nouvel album, que de la nouvelle composition. Et s'il fallait rapprocher Dandelion Sauce Of The Ancients d'une période plus précise, c'est au début du groupe qu'il faudrait penser. Ça tombe bien, c'est ma préférée. Comme celle de Russ Smith. L'époque des albums Johnny Town-Mouse, V.C.L., Angels In Pigtails, quand les guitares étaient plus présentes, qu'un mur du son anarchique se dressait devant vous et que leur psychédélisme faisait fuir n'importe quel hippie. Russell Smith, Gordon Watson (guitares) et John Jobbagy (batterie), seuls rescapés du siècle dernier, ont retrouvé une seconde jeunesse qu'ils n'avaient jamais perdue et en rajoutent même une couche. Une énorme couche de bruits, de fuzz, de distorsions, de delay, de reverb, d'overdubs qui enfument tout le monde. Quand, en plus, ils ont la chance de compter sur le bassiste Dave Cochrane, l'ex-God et Head Of David, l'apocalypse n'est pas loin. Dandelion Sauce Of The Ancients possède un son de dingue, une gigantesque et puissante orgie de décibels, de vibrations telluriques jamais propres sur soi, qui débordent de partout, des crépitements maléfiques, jusqu'à imiter le bruit d'un vinyle extrêmement poussiéreux sur le début de Dandelions (idéal pour faire croire que le disque déraille) ou tout écraser sur la fin sidérante de Song For John Pt 1. Mais non, tout fonctionne, tout est normal, c'est juste Terminal Cheesecake qui sort le grand jeu. Et il est fortement toxique. C'est d'ailleurs très amusant de lire le nom de tous les amplis, instruments et pédales d'effets que le groupe s'est amusé à mettre dans le détail sur l'insert comme les EHX Big Muff, Space Echo, Cunt Fuzz, plein de delay pour le chant de Neil Francis et le meilleur pour la fin, la Custom Dunlop Crybaby Wah. Par contre, je suis moins sûr pour l'effet Chicken bones.

Alors oui, Terminal Cheesecake est un groupe largement taxé de psychédélique. Mais pas celui qui va faire gentiment décoller dans ta tête, t'amener à un degré de lévitation mega cool pour libérer tes chakras, ce n'est pas une longue ballade paisible pour faire de beaux rêves. Le psychédélisme de Terminal Cheesecake est cauchemardesque, épais, tumultueux, noise, improvisé, avec de grosses basses dans la tronche (l'énorme parpaing The Winding Path), des voix dont l'écho se répercute dans la cervelle pour que tu deviennes fou, des samples pour perdre le sens de la marche et des tapis chaotiques de guitares pour défolier les pauvres neurones qui te restent. Les sept compos sont dantesques, relativement courtes pour gagner en percussion et broient menu-menu dans une belle et grande gerbe de débauche sonore dont ils ont toujours le secret. De tous les albums de Terminal Cheesecake, c'est sûrement le disque le plus rock, le plus bruyant, le plus cramé, voir tout simplement le meilleur, remettant au passage à leur place de nombreux petits jeunes. Pour un retour, c'est un grand coup de maître. Longue vie à Terminal Cheesecake.

SKX (16/01/2017)