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L'Effondras
Les Flavescences – LP
Noise Parade/Dur Et Doux 2017

Le mot flavescence n'était pas inconnu mais de là à donner sa signification, c'était une autre paire de manche. Après renseignement, c'est un terme poétique un brin vieillot qui a du mal à se placer dans une conversation mondaine. Il signifie une couleur tirant sur le blond, le jaune or ou luire avec beaucoup d'éclat. Par exemple, Perte & Fracas est un webzine scintillant d'une magnifique flavescence dans la nuit absolue. Ce mot correspond aussi parfaitement à l'univers de L'Effondras. Et il est illustré par une sublime pochette et des photos de Marion Bornaz. Une musique qui illumine et réchauffe dans la nuit noire, s'en nourrit, s'y glisse, laisse apparaître des fantômes pour au final, une grosse flambée de chaleur qui va nous tenir éveiller tout au long de quatre nouveaux morceaux farouchement majestueux.

Le trio de Bourg en Bresse a réduit le nombre de compositions, la durée de l'album mais continue de labourer et abreuver le même sillon d'un rock instrumental narratif, fortement incantatoire et intense. Et qui continue surtout de se déjouer des étiquettes post machin truc. L'Effondras plane au-dessus de toutes ces vaines considérations d'épicier. Il suffit de les voir en concert, comme à Rennes le 9 février dernier, pour s'en rendre compte. De la sueur, de la puissance, des saturations, des dérapages, des musiciens arc-boutés derrière leurs instruments, un vrai concert de rock loin des clichés atmosphériques malgré la structure et la longueur des morceaux. Bien sûr, sur disque, le rendu est plus précis, élégant, le trio refrène ses bas instincts. Et l'effet de surprise n'est plus de mise depuis leur premier album. Mais la magie opère toujours. Le souffle, le blues qui vient du fond du bide comme une douleur inextinguible, cet élan racé au parfum exalté et cette furia sous-jacente qui fait tout vibrer, même dans les passages plus intimistes. L'Effondras appuie encore plus fort les coups quand il faut taper sur la douleur. Roulements de batterie, deux guitares qui font crisser les cordes, le temps est à l'orage. Le trio se déchaîne comme jamais. Pendant de longues minutes, avec une répétition acharnée. Et quand les nuages se dissipent, que l'accalmie se pointe, c'est pour dégager la vue sur un horizon toujours voilé, toujours sur le qui-vive, les arpèges plein de finesses en éclaireur de nouvelles bourrasques à venir. Les contrastes ont l'air plus marqué, comme sur Phalène, titre le plus calme qui n'empêche pas un court pic d'intensité, avec à la fin gazouillis d'oiseaux et crépitement du feu. Mais L'Effondras ne possède pas son pareil pour surfer continuellement sur la crête de la tension. Ne jamais relâcher l'attention de peur que le feu s'éteigne.

Sur la face B, L'Effondras se met en mode Swans avec un seul titre, Le Serpentaire. 23 minutes vous contemplent. Un morceau ambitieux en forme de résumé. La pluie et le beau temps, au propre comme au figuré, L'Effondras faisant ce qu'il veut, pouvoir sans limite. Panel de sensations diverses et de montagnes russes, de répétitions qui font avancer, d'une mélodie battant pavillon homérique, de longs tumultes, de montées épiques, de cymbales cinglant l'air comme des coups de fouet et d'un batteur qui cogne. On croirait presque entendre la longue complainte d'un cuivre. Il n'en est rien. C'est du mirage auditif, pauvre coquille de noix que nous sommes trimballée dans un océan impétueux et transportée dans un périple qui paraît beaucoup plus court que ce qu'annonçait la brochure. L'Effondras a réussi le pari toujours difficile du deuxième album en ne changeant rien tout en apportant plus d'ampleur, de vigueur et de détails dans l'écriture. Le feu brûle toujours et il est sacrément prenant.

SKX (06/03/2017)