yc-cy



YC-CY
s/t LP
self-released 2016

La pochette ne dit rien, ne dévoile rien. Seulement un nom de groupe bizarre dont on ne sait pas si ça représente les initiales de quelque chose ou un code mystérieux* et les titres des morceaux. Un mannequin démantibulé, des bouts de jambes qui valent 1 franc, le délabrement, le renoncement. Point barre. Et un coupon glissé à l'intérieur pour télécharger deux faces où les dix morceaux ne sont même pas découpés. Tout est enchaîné et enchaîné à ce disque, on va l'être.
La musique ne dit également pas très clairement où elle se situe. Et c'est pas la moindre de ses qualités. Le curseur est entre punk, hardcore et noise, avec une large propension pour flinguer les mécanismes, concasser les certitudes et expérimenter sur le dos de la tradition. En gros, YC-CY prend une bonne grosse tranche épaisse de rage saupoudrée de jolis grains de nihilisme et s'amuse à l'éclater, l'expédier dans toutes les directions possibles. Et ça fait très mal.
Ce groupe possède une boule de haine coincée au fond de la gorge identique à celle de Dazzling Killmen, Gerda ou Playing Enemy. Jusqu'à parfois évoquer musicalement la troupe de Nick Sakes sur Libelle ou Haifisch quand le préposé au micro siffle entre ses dents It's quiet, que la tension bouillonne, que l'explosion navigue sur le bord d'un gouffre immense. YC-CY n'est pas du genre à foncer tête baissée dans le tas. Ça pue l'insupportable intensité, les nerfs prêts à lâcher, les rythmes entre deux eaux mais toujours foutrement appuyés, une manière unique d'amener l'auditeur dans ces derniers retranchements. Les accélérations sont brutales, les décompressions redoutables. Jamais les structures des compos laissent présager dans quelles directions elles vont nous harceler, quel drôle de coup va nous tomber sur le coin de la tronche à l'instar de Hyäne et cette ambiance étrange, poisseuse, à laquelle on ne s'attendait pas forcément à trouver et qui est merveilleusement prenante. Idem pour le long Haifish couplé avec Gürteltier qui ne sont que vallées de souffrance, adorant appuyer là où ça fait déjà mal. C'est douloureusement lancinant ou violemment efficace car YC-CY aime aussi faire plaisir et ne pas te perdre en route mon enfant.
Le chant n'est pas un beuglement primitif accompagnant trop souvent ce type de violence sonore. Chaque intonation colle parfaitement aux variations multiples, donne du relief aux morceaux. La guitare possède un son d'enfer, fraiseuse punitive, foutrement grésillante avec des bruits qui se rajoutent derrière, polluent l'atmosphère déjà lourde de nuages bas. On jurerait même entendre comme un synthé tordu sur Wolf mais rien n'est moins sûr. Les repères tombent, le doute s'immisce sauf celui d'être tombé sur un putain de grand disque. Du genre à s'inspirer de plusieurs styles pour aller de l'avant, proposer sa propre tambouille délicieusement infernale avec une esthétique générale sale, bruitiste, très noise donnant un cachet dingue, unique, totalement aliénant. YC-CY vient de Schaffhausen au fin fond de la partie germanophone de la Suisse. C'était pas gagné, ça débarque de nulle part et ce premier disque est un must.

SKX (26/09/2016)

*ou alors c'est juste une danse stupide mais sportive.