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Moe
Examination Of The Eye Of A Horse – CD
Wallace, Conrad Sound 2016


Il est là, il est beau, il est phénoménal, c'est Examination Of The Eye Of A Horse, le nouvel album de Moe. Et que voit-on quand on fait l'examen de l’œil d'un cheval ? Un poulpe ? Un vulgaire poulpe ? Non, un monstre inconnu, une entité mystérieuse remontant du fin fond des âges, une force de la nature qui inspire la peur et mérite le respect. Retour sur les précédents épisodes. Pas celui-là qui ne sert à rien mais les trois albums du groupe norvégien entre 2011 et 2014. Je me demandais bien ce que le trio allait pouvoir faire de mieux après le troisième album, dans quelle surenchère il allait tomber. De façon incroyable, Moe a encore réussi à élever le niveau.

Grâce tout d'abord à la qualité du son. N'étant jamais aussi bien servi que par soi-même, c'est Håvard Skaset, le guitariste de Moe, qui s'est chargé de l'enregistrement. Et avec l'aide de Jørgen Træen et des deux autres Moe pour la production, jamais un disque du groupe n'a aussi bien sonné. Le mot est faible. C'est somptueusement puissant sans forcer. Ça remplit chaque millimètre d'espace sans l'étouffer. Ça vole au-dessus d'une mer de béton sans jamais s'écraser, pilonnant la moindre résistance avec une précision diabolique sans que ça soit chirurgical et trop net, laissant de la place pour chaque instrument qui n'ont jamais eu autant de pouvoir. C'est beau un bombardier la nuit. Et si ça ne suffit pas, Pan Jerk, alias Kohai Gomi, un mec derrière son ordinateur qui fait beaucoup de bordel dans la grande tradition des noise-makers japonais, rajoute une couche de perversité sur trois morceaux. Sans oublier un ajout de percussions et de tonnerre sur deux titres de la part de Ane Marthe Sørlien Holen. Respire, ça va bien se passer.

Parce qu'avec toutes ces armes, Moe ne fait pas n'importe quoi. Les compositions sont tout simplement complètement dingues. Je ne m'avancerais pas comme eux à dire que c'est leur album le plus pop ou alors on peut certifier que Neurosis fait du funk. Cependant, en terme de structure et de clarté, Moe n'a jamais été aussi percutant. L'équilibre est parfait entre la soif de tout exploser et le désir de rester dans un cadre rock, s'insinuer dans les méandres de morceaux où la folie guette à chaque instant et faire du air guitar sur des riffs basiques et tranchants, se casser la nuque sur une rythmique de plomb. Être possédé par le chant de la tout autant possédée bassiste Guro Skumsnes Moe tout en reprenant en chœur ses paroles aliénantes. Do I deserve to die. Le punk Paris renvoie au Tephra de l'album précédent et mettrait le feu à n'importe quel patelin endormi. Les deux dernières minutes inhumaines du marquant Wild Horses à force de répétitions qui semblent ne jamais vouloir s'arrêter et donnant littéralement envie de se jeter contre un mur. La lourdeur de Saccades And Fixations contre le presque entraînant et furieux Doll's Eyes. Les interférences bruitistes sur le punitif et contrasté du génial Realm Of Refuge. Le début tout en drones dérangeants de Letters Of Plinty qui frôle ensuite la folie. Encore une fois. Parce que Examination Of The Eye Of A Horse marche sur le fil de la démence mais avance avec la force du mammouth et les idées claires. On ne sait plus où donner de la tête, ça déboule de partout, chaque coup compte double, chacun des six titres est une pièce maîtresse, un feu d'artifice de totale domination.
Moe écrase la concurrence, jette des ponts entre noise-rock, metal, hardcore, musique extrême ou avant-gardiste et signe un album prépondérant. Ne pas écouter Examination Of The Eye Of A Horse serait un acte criminel.

SKX (19/09/2016)