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Hollywoodfun Downstairs
Reactions – LP
Press Gang records 2016

Tiens, je vais un peu te raconter ma petite vie, puisque je sais que tu en as strictement rien à foutre. Bah ne t’inquiète pas pour autant : ce qui suit va être d’une banalité consternante et presque ennuyeuse, celle d’un concert de milieu de semaine dans un bar où je suis allé histoire de papoter un peu avec des vieux débris dans mon genre et de voir un groupe local dont le guitariste/chanteur est une connaissance – effet total jet-set. Jusqu’ici tout va bien, l’ambiance est bonne, la bière raisonnablement ignoble, je raconte quelques conneries, échoue à retenir un vieux pote qui préfère aller se désaltérer dans un autre bar un peu plus loin et je me dis que si le groupe de tête d’affiche – Hollywoodfun Downstairs, donc – ne me décoiffe pas plus que ça (j’ai ressorti ma plus belle mise en plis pour l’occasion) je m’en retournerai vite fait bien fait à la maison rejoindre mes disques chéris, mes livres et mes peluches d’amour (oui, je compense). Il y a bien ce petit gars qui me harcèle en me répétant que je vais adorer Hollywoodfun Downstairs, avec son groupe à lui ils ont joué ensemble lors d’une date en Allemagne (yep : le petit gars en question est batteur, double effet jet-set) et que ces néo-zélandais déchirent leur race de sa mère la punk. Soit.

Le moment de descendre dans la cave pour assister au concert est venu, je m’attends strictement à rien, à peine surpris par l’odeur de sueur rance qui émane du guitariste d’Hollywoodfun Downstairs, un grand molosse qui n’a pas du se laver depuis au moins trois jours – comme je suis d’humeur masochiste et que j’aime souffrir, je me pose directement en face de lui, pour ne rien perdre de ce concert en odorama qui va rapidement virer à la fureur vitriolée. Mais pour l’instant je regarde avec curiosité la Jaguar du guitariste sur laquelle il ne reste même pas un bouton ni un potentiomètre, je constate avec un certain effroi que le bassiste s’apprête à jouer aux doigts – et non pas au médiator comme l’exigent les tables de la Loi du noise-rock et du noise-punk – et il me semble même que le batteur porte une moustache. Diantre. Je ne me rappelle plus grand-chose de ce concert, si ce n’est que je me suis mis à dodeliner de la tête comme un chien-chien décoratif ostensiblement posé sur la plage arrière d’une BX Évasion, que j’ai trépigné constamment comme tous ces idiots de jeunes, que j’ai transpiré au point de me mettre à puer moi aussi, que j’ai applaudi, que j’ai braillé à la fin, que j’ai recommandé de cette bière curieusement de plus en plus raisonnablement dégueulasse et que, tout à mon enthousiasme de débutant, j’ai acheté un exemplaire de Reactions, le premier véritable LP d’Hollywoodfun Downstairs. Le lendemain, j’avais presque tout oublié, seul dans mon grand lit avec mes peluches et mes chaussettes de la veille (et sales) aux pieds. Je ne me souvenais que d’une chose, l’ivresse d’un concert mortellement bruyant et déglingué, joué à cent à l’heure, complètement à l’arrache et ayant fait fuir les quelques hipsters hippisants qui avaient osé se montrer – dans tous les sens du terme – à ce concert de malades.

Reactions est un excellent disque. Bien plus fin que ce que le concert pourrait le laisser supposer. Il en est même surprenant. Evidemment que le noise-rock traviolé, pétaradant et punk as fuck d’Hollywoodfun Downstairs pulse et défouraille mais il regorge également de plein de subtilités – notamment au niveau du chant, entre mélopées de caniche émasculé et hurlements de vieux bouc sodomite sous acide – et déroule dix compositions impeccables d’efficacité et d’énergie toujours bien ciblées. Une belle originalité oserais-je même affirmer, puisqu’avec Hollywoodfun Downstairs on s’éloigne parfois des canons de la noise « classique » et du pounque avec quelques structures de morceaux un peu bizarres, ces breaks inattendus mais pas ostensibles, ce chant (oui, j’en parle encore) tout en feulements et en grincements hystériques, cette basse discrète mais sacrément en place et imaginative, ces parties de batteries qui rendent complètement dingue. Hollywoodfun Downstairs est un groupe qui semble ne rien vouloir faire comme les autres et donner à son album le nom de sa composition la plus ambitieuse et déroutante en est une preuve supplémentaire. Reactions est déjà un vieil enregistrement pour le groupe car datant en fait de 2014 : il a été publié une première fois en 2015 par Press Gang records, tout petit label néo-zélandais lui aussi et spécialisé dans l’édition de cassettes, ce format ridiculement archaïque. Comme il aurait été dommage de s’arrêter là Press Gang records a finalement décidé de sortir Reactions en vinyle, à 150 exemplaires uniquement. Ruez-vous dessus avant qu’il ne soit trop tard.

Hazam (06/11/2016)